Etat-Unis

 

La capacité de contracter une vente des personnes protégées

par Kévin Mazoyer et Jean-Mathieu Planton, M2 Droit privé fondamental

 

«La minorité consiste dans l'incapacité où se trouve l'homme de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui.» E. KANT

 

Avant même d'aborder le sujet, il semble nécessaire de définir ses différents termes : Le contrat une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres à fournir une prestation.

Si le Code civil français dégage quatre conditions essentielles à la validité d’un contrat, il est communément admis par la majorité des systèmes juridiques occidentaux que cette validité est au moins conditionnée par la capacité de contracter. De ce point de vu, une personne qui serait considérée comme incapable dans un ordonnancement juridique donné ne pourrait pas s’engager en vertu d’un contrat.

On définit alors la capacité comme étant l'aptitude définie par la loi de conclure un acte juridique valable ayant pour conséquence d'engager la responsabilité de celui qui le souscrit dans le cas où il n'exécuterait pas les obligations mises à sa charge par le contrat et qui, en conséquence, engage son patrimoine.

L’incapacité se conçoit dans la mesure où la personne protégée n’est pas en mesure de comprendre la portée de son engagement. Il nous est alors permis de penser qu’en la matière, la capacité de conclure une convention se trouve être la règle, l’incapacité quant à elle, faisant figure d’exception. On se questionne alors sur les catégories de personne qui, au terme de la loi, seraient réputées incapables de comprendre la portée de leur engagement, de telle sorte qu’elles soient finalement considérées comme incapables. De ce point de vu, en France, et dans les états soumis à la common law, les mineurs sont considérés comme incapables.  En sus, de manière traditionnelle, on considère que certaines personnes ayant atteint leur majorité ne sont pas pour autant en mesure de comprendre la portée de leur engagement, justifiant un régime de protection. Ces dernières font alors l’objet d’une protection légale. On parlede majeurs incapables.

Ainsi l'incapacité est la situation juridique dans laquelle se trouve une personne dont les engagements, soit en raison de son jeune âge, soit en raison de la défaillance de ses facultés mentales, sont nuls ou annulables   - ce qui est une spécificité de la common law - et qui, pour ce motif se trouve placée sous un régime légal de protection.

Classiquement, l’étude de la common law révèle trois types d'incapacité :

-       Les incapacités d'exercice général, enlevant ou diminuant l'exercice des droits pour des raisons tenant à l'âge de la personne (minorité), ou à son état de santé (protection des incapables majeurs). Ces incapacités sont liées par nature à l'état de ces personnes.

-       Les incapacités naturelles, qui découlent de l’état mental d’une personne. Ces incapacités dites naturelles ne font pas l’objet d’une protection organisée en amont. Notons que les cas d'insanité d'esprit et de démence viendront se placer dans cette catégorie (ce qui est une nouvelle fois une spécificité du droit aux États-Unis).

-       Les incapacités spéciales de jouissance, qui sont instituées non pas pour protéger la personne, mais la famille, les héritiers, les tiers.

La common law trouve à s’appliquer dans la majorité des états fédérés des Etats-Unis, ces derniers étant naturellement d’inspiration anglo-saxonne. Sous couvert de cette précision, notre étude nous amènera alors à traiter de la conception étatsunienne de l’incapacité. A ce titre, nous nous intéresserons à l’étude de ce mécanisme lors de la conclusion d'un contrat de vente. Nous nous poserons donc la question de savoir quelles seront les personnes qui feront l’objet d’un régime de protection dans l’ordonnancement juridique étatsunien. Nous nous interrogerons par conséquent sur les conditions nécessaires qu’il conviendra de réunir afin que ces personnes puissent valablement passer une convention. Enfin, il nous faudra également étudier les conséquences éventuelles que pourrait engendrer la conclusion d’une telle convention.

Ces questions seront étudiées au travers du régime général de protection des personnes protégées premièrement, puis secondement, il conviendra d’étudier au cas par cas chacun des différents régimes de protection dont fait état la common law.


I. Régime général de protection

 

A l’instar de l’Angleterre, la common law aura vocation à s’appliquer aux Etats-Unis. D’ailleurs, celle-ci s’y applique de façon générale sur tout le territoire. 

Les personnes protégées aux États-Unis sont divisées en trois catégories distinctes :

-       Les mineurs tout d'abord

-       Viennent ensuite les personnes majeures et dont l’incapacité chronique provient entre autre de déficiences mentales

-       Enfin même dans le cas où cette incapacité n’est pas chronique, les personnes se trouvant dans un « état second » au moment de la conclusion du contrat, c'est à dire les individus sous l'emprise de l'alcool ou bien de stupéfiants, peuvent être déclarées comme ayant été incapables au moment de conclure une convention.

A l’évidence, ces différents cas doivent être étudiés séparément les uns des autres. Ceci nous conduit par conséquent à apporter quelques précisions sur chacune de ces hypothèses.

 

II. Capacité

 

Nous étudierons les conditions de la conclusion d’un contrat de vente par une personne protégée (A) avant d’envisager la sanction de ces conditions (B)

 

A)   Les conditions de la conclusion d’un contrat de vente par une personne protégée

En principe, une personne majeure est présumée capable. Cette réflexion générale emporte au moins deux  conséquences : d’une part, les personnes non majeures ne sont pas réputées être capables de conclure des actes juridiques, et par conséquent un contrat de vente; d’autre part, la common law reconnaît la possibilité de limiter la capacité d’exercice de certains individus majeurs.

Vu qu'il existe différents régimes de protection aux Etats-Unis, et non un régime général, au terme de la common law, il convient d’étudier successivement chacun de ceux-là afin d’en comprendre les grandes lignes. De ce point de vu, nous apporterons des éléments qui préciseront les règles gouvernant la protection du mineur, celles régissant la protection du majeur souffrant de démence, et enfin, celles justifiant l’éventuelle reconnaissance par le juge d’une incapacité momentanée à raison de la consommation de substances alcoolisées et stupéfiantes.  

 

1)    Le mineur

L’éventuelle incapacité du mineur poursuit un but : sa protection contre des engagements contractuels qui à son égard pourraient avoir de graves effets. De cette manière, il est envisageable de considérer que cette incapacité d’exercice pourra éventuellement frapper le mineur dès lors qu’il s’agira pour lui de conclure un contrat de vente. Si cette solution semble exister dans la quasi-totalité des systèmes juridiques occidentaux, nous nous préoccuperons ici plus particulièrement du traitement de cette question dans l’ordonnancement juridique étatsunien.

Cette dernière fait emploi du mot « infant » pour désigner les personnes mineures, alors que littéralement, le terme devrait pouvoir se traduire par « nourrisson ». De ce point de vu, la common law indique qu’est considéré comme «infant» toute personne qui n’a pas atteint l’âge de 21 ans. Faut-il voir derrière l’emploi de ce terme une volonté marquée de prise en considération de ce que le mineur serait moralement incapable de comprendre la portée de ses actes, et par incidence, des conventions qu’il pourrait conclure ? L’étude plus approfondie du régime d’incapacité des mineurs saurait nous renseigner à ce propos.

Tout d’abord, si la common law fixe bien l’âge de la majorité à 21 ans, nous observerons qu’il revient à chaque état de fixer cet âge et non au gouvernement fédéral. De ce point de vu, la totalité des états fédéraux ont abaissé cet âge à 18 ans en raison de l’adoption en 1971 du vingt-sixième amendement de la Constitution des Etats Unis qui modifia l’âge pour voter de 21 ans à 18 ans.

Peu important l’âge de la majorité, de telles règles poursuivent un but : protéger le mineur des effets parfois radicaux de la portée d’engagements obligatoires. Estimés imprudents, ces derniers sont alors placés sous un régime protecteur afin de pallier à la potentielle expérience des autres majeurs capables qui pourraient être tentés de tirer profit de cet avantage. Ce régime protecteur s'applique au contrat de vente.

Mais classiquement, tel que l’admet d’ailleurs le système juridique français, la conclusion d'un contrat par un mineur et ce pour des biens considérés comme étant de subsistances, est communément admise. La question qui se pose est alors de savoir ce que contient la notion de « biens de subsistance » (Le droit français ne possédant pareille notion.). Ce concept est défini au sein de la common law, et les tribunaux américains en font application. Il s’agit de biens nécessaires à la vie du mineur. On déduit de cette définition que la consistance de la notion est fonction de la situation particulière du mineur. Des biens et services nécessaires pour survivre, tels que la nourriture, les vêtements, et les soins médicaux sont évidemment des biens de subsistance. Mais la position et la situation financière du mineur sont aussi prises en compte. On en déduit que la notion de bien de subsistance sera déduite au cas par cas des circonstances d’une affaire. De ce point de vu, la notion de bien de subsistance sera variable d’un mineur à l’autre, eu égard à son train de vie. On pourrait par exemple en inférer que cette qualification serait refusée pour un contrat passé par un mineur disposant déjà de tous les biens nécessaires aux besoins de la vie courante, alors même qu’en des circonstances différentes, l’objet du contrat pourrait recevoir la qualification de bien de subsistance.

Des biens faisant l’objet d’une vente se verront naturellement exclus de cette définition, tel que des produits de luxe par exemple. La dénonciation d’un tel contrat n’emporterait pas pour le mineur l’obligation de payer la valeur raisonnable dudit produit.

On évoquera enfin la possibilité reconnue par la plupart des états prévoyant qu'à l'âge de seize ans ou plus, un mineur pourrait éventuellement demander à un tribunal de retirer son incapacité de conclure des contrats. Le contrat de vente conclu par un mineur pareillement émancipé ne pourrait faire l’objet d’une dénonciation.

On peut noter qu’une fois marié, le mineur est assimilé dans de nombreux états à une personne majeure, perdant ainsi toute faculté pour dénoncer le contrat; mais nous reviendrons sur ce sujet que constitue la «dénonciation.»

 

2)    Les personnes frappées de déficiences mentales (pathologiques ou temporaires)

Tout comme pour les mineurs, les personnes frappées de déficiences mentales pourront être considérées comme incapables et dès lors placées sous un régime d’incapacité. On parlera de « lunatics » en common law. Ces personnes doivent être protégées par les tribunaux dans leurs relations contractuelles. Par conséquent, le droit a dégagé plusieurs règles visant à protéger les personnes ne disposant pas de la plénitude de leurs facultés mentales.

Il existe une interprétation de l’incapacité mentale largement reconnue aux Etats-Unis et qui postule que celle-ci doit s’entendre comme étant l’impossibilité pour une personne de comprendre la nature, l'objet et les effets de la transaction. Dans pareil cas, il y aura constatation de l'incapacité de conclure le contrat en question pour l’individu au moment de la conclusion. Il est indispensable de définir le critère dit « cognitif » d'incapacité mentale, c'est à dire relevant d'aspects d'ordre psychologiques ou émotifs ayant une incidence sur l'opération contractuelle. Ainsi, il est couramment estimé que la simple altération du jugement du contractant ne serait pas suffisante pour priver une personne du droit de contracter.

A côté de ces personnes souffrant de pathologies les empêchant de saisir la nature, l'objet et les conséquences d'un engagement contractuel, le droit protège également les personnes qui ont été, au moment de la conclusion de l’acte dans un « état second ». Ainsi, l'abus d'alcool ou la consommation de stupéfiants peut maintenir temporairement le contractant dans une incapacité de conclure le contrat.

Voyons désormais les éventuelles sanctions qu'encourent ces personnes protégées pour avoir formé contrat sans capacité, ou bien celles encourues par leurs cocontractants.

 

B)     Sanctions du contrat conclu sans capacité

Le principe veut qu'en common law toute personne soit réputée capable de contracter, les personnes placées sous un régime d’incapacité ne sont ainsi pas privées stricto sensu du droit de conclure des conventions. Mais ces dernières pouvant engendrer des effets juridiques, elles n’en restent pas moins précaires et pourraient faire l’objet d’une dénonciation. Les démarches en vue d'une éventuelle annulation du contrat seront donc postérieures. Cette dénonciation permettra à l’incapable de ne pas exécuter les obligations contractuelles qu’il aurait ainsi souscrites. On en infère que si la vente conclue entre un incapable et une personne en pleine possession de ses capacités pourrait produire les effets qu’on lui connaît habituellement (à savoir le transfert de propriété pour l’essentiel), cette vente pourrait faire l’objet d’une dénonciation qui aurait pour principal objectif de remettre à minima l’incapable dans une situation antérieure à la conclusion de la convention. En cette occurrence, de la dénonciation du contrat de vente résultera finalement une obligation de restitution pesant au moins sur le créancier de l’incapable. 

 

  1. La sanction d’un contrat passé par un mineur

«A minor does not have the legal capacity to enter into contracts and thus may disaffirm a contract

Il aurait pu sembler excessif de priver systématiquement le mineur de toute possibilité de négocier puis de conclure un contrat ; ainsi la common law assure tout de même la protection de ces derniers par le biais de la règle générale selon laquelle le contrat conclu par un mineur ne le lie pas irrémédiablement. Ainsi, le mineur pourra dénoncer le contrat. Cette possibilité leur est très largement reconnue. Au sens strict, il ne s’agira pas de faire annuler le contrat (dans la mesure où cette dénonciation ne donnera pas lieu à a nullité rétroactive de l’acte et à la restitution réciproque des obligations nées en vertu de ce contrat), mais le mineur pourra dans cette éventualité mettre fin à ses obligations. Cette faculté existe à l’évidence au sein du contrat de vente.

Pour assurer une protection efficace du mineur, il semblait logique de n’accorder cette faculté qu’à ce dernier et non à son cocontractant qui dès lors aurait pu mettre fin arbitrairement une fois le contrat devenu désavantageux. Le choix de dénoncer n’appartient alors qu’au seul mineur, qui, à défaut de dénonciation, pourra exiger de l’autre partie qu’elle respecte ses engagements.

Si le mineur choisit de dénoncer le contrat, il doit le faire pendant sa minorité ou durant un délai raisonnable après avoir atteint sa majorité.

Les effets de la dénonciation, varient d’un Etat à l’autre même si une solution reste largement partagée par la majorité des Etats fédéraux. Ceux-ci considèrent que, dans le cas du contrat de vente notamment,, le mineur ne sera pas obligé de restituer la valeur des biens qu’il aurait reçu de la partie majeure et qui ne se trouvent plus dans son patrimoine au jour de la dénonciation. On en conclura que cette obligation de restitution en faveur de la partie mineure  se limitera à la contrepartie reçue en vertu du contrat et restée en sa possession. Au contraire, d’autres Etats (minoritaires) considèrent que la dénonciation pourrait faire naître une obligation d’indemnisation à la charge du mineur, dans le cas où la valeur des biens encore en sa possession aurait diminuée (c’est le cas du Tennessee par exemple[1], du New Hampshire). Cette approche est reconnue par un nombre grandissant d’Etats. Il n’en reste pas moins que la solution de principe est celle qui postule que la dénonciation n’entraînerait à la charge du mineur qu’une obligation de restitution, et non une obligation d’indemnisation. De ce point de vu, le mineur devra en cas de dénonciation restituer la seule contrepartie encore en sa possession, la partie majeure n’étant pas indemnisée pour son préjudice. Derrière cette règle, on voit poindre le profond déséquilibre que la dénonciation peut engendrer. En effet, ce principe peut causer un préjudice singulier pour la partie majeure qui conclut un contrat avec un mineur si ce dernier dénonce le contrat et restitue à la partie majeure une contrepartie ayant une valeur inférieure par rapport à celle perçue au moment de la conclusion du contrat. L’iniquité de la situation atteint son paroxysme lorsque le mineur n’est plus le détenteur de l’objet du contrat dénoncé.

En sus, les tribunaux américains soutiennent traditionnellement que le mineur peut exiger la restitution de ce qu’il a payé, même si ce dernier se trouve dans l’impossibilité de restituer à la partie adulte les biens reçus en vertu du contrat. Conscient de cette solution inique, les tribunaux américains y apportent par conséquent deux réserves remarquables : l’une consistant à s’éloigner de la solution précédemment décrite dans une certaine recherche d’équité, et l’autre en refusant de faire application de ladite solution en présence de certains biens dits de «subsistance».

En premier lieu donc, s’éloignant de cette approche, de nombreuses cours américaines ordonneront au mineur qui dénonce le contrat d’indemniser la partie majeure à hauteur de la valeur reçue en vertu du contrat. Cette réparation pourra aussi intervenir afin d’indemniser la partie majeure à raison de la diminution de la valeur des biens restitués. Cette solution nous est notamment donnée par un arrêt Doenges-Long, v. Gillen, rendu par la Cour Suprême de l’état du Colorado[2] et qui illustre l’effort de la Cour pour parvenir à rétablir une solution équitable dans une affaire où un mineur cherchait à dénoncer le contrat qu’il avait préalablement conclu.

En second lieu,  si cette règle draconienne se conçoit aisément pour des contrats de grande valeur, il aurait pu sembler étrange de la maintenir pour des contrats usuels qui, de toute évidence obligeront les mineurs. Pour autant, même en présence de tels contrats, la possibilité de dénonciation offerte au mineur subsiste. C’est pourquoi, en présence de biens dits de « subsistance », le mineur sera toujours obligé, et ce notamment au sein du contrat de vente, de payer la valeur raisonnable de ce qu’il recevra en vertu dudit contrat, même en cas de dénonciation[3]. Si le mineur a réellement reçu des biens ou des services qui sont considérés comme des biens de subsistance et malgré la dénonciation du contrat en question, le mineur devra s’acquitter a minima de la valeur raisonnable de ces biens ou services. Notons que le montant de cette valeur raisonnable ne sera pas nécessairement le même que celui fixé par le contrat. Un mineur qui conclut un contrat «nécessaire» est ainsi tenu de payer si ses responsables légaux ne le font pas.

On notera que le fait pour le mineur d’arriver à la majorité sans avoir pourtant jamais dénoncé un contrat donné n’implique pas qu’il ne puisse plus désormais le faire. En effet, un délai raisonnable lui est laissé pour procéder à cette dénonciation (laissé à l’appréciation des juges, mais en principe, ce délai sera de deux mois). Ainsi, concernant une vente qui aurait eu lieu peu avant la majorité d’un mineur, cette dernière deviendrait parfaite une fois le mineur atteignant l’âge de 18 ans sous couvert d’un délai raisonnable estimé à deux mois.

 

 2. La sanction d’un contrat passé par une personne  souffrant d'incapacité mentale

«Persons under legal guardianship, whether as minors or for physical or mental infirmities, are legally incapable of contracting

En général, aux Etats-Unis, les contrats conclus par une personne incapable mentalement sont nuls lorsque cette personne est soumise à une mesure de protection et possède un tuteur. La conséquence sera est l'absence d'effets juridiques automatiques de ces contrats, et aucune mesure ne devra être prise pour les dénoncer.

Toutefois, il existe d'autre ressorts américain qui considèreront que les contrats conclus par des personnes placées sous protection judiciaire devront faire l’objet d’un jugement, en ce sens, pour être annulés, en vertu des dispositions de la partie VII de la loi sur la santé mentale de 1983 (autrement appelé le «Mental Health Act») de sorte que la personne incapable pourra intenter une action pour dénoncer le contrat, une faculté dont ne pourra pas se prévaloir le cocontractant.

Cela étant, même dans les cas où l’incapacité n’aurait pas officiellement été reconnue par le juge américain, il est admis qu’un contrat conclu par une personne souffrant d'incapacité mentale reste annulable. Cette possibilité est ouverte eu égard à la conception qu’ont certains tribunaux de ce qu’est l’incapacité mentale. De ce point de vu, des critères dits « cognitifs » permettent de considérer qu’une personne était incapable, au moment de la conclusion du contrat, de mesurer la portée de ses engagements. Ces critères d’ordre psychologique et émotifs auront une incidence sur l’opération contractuelle, de sorte qu’il faille considérer le contrat comme étant nul. Mais la simple altération du jugement du contractant ne serait pas suffisante pour priver une personne du droit de contracter momentanément. C’est ce que démontre l’arrêt Smalley v. Baker[4], rendue par la Cour d’appel Californienne, qui demeure une illustration d'un cas d’application du test cognitif d’incapacité mentale. La Cour avait ici procédé à la distinction entre la capacité de M. Smalley de comprendre le contrat conclu avec M. Baker et sa motivation à conclure ledit contrat. S’il était évident que M. Smalley comprenait la transaction, en revanche, sa maladie mentale affectait sa motivation pour conclure le contrat, c’est-à-dire son jugement concernant la transaction. Même si M. Smalley avait surestimé les possibilités de succès, il comprenait le contrat. Malgré sa maladie mentale donc, M. Smalley possédait la capacité mentale nécessaire pour conclure le contrat, permettant à ce contrat d’être exécuté.

Notons que les juges de certains Etats fédérés conditionnent la dénonciation d’un contrat conclu par un majeur à la démonstration de la preuve que l'incapacité mentale ait été connue, ou apparente pour l'autre partie. Cette exigence qui mérite d’être soulignée reste rare en pratique.

Comme dans le cas des mineurs, on retrouve pour les incapables majeurs la notion de biens de subsistance, qui est identique. De ce point de vu, il pourra incomber à l'incapable mental de payer la valeur raisonnable des biens de subsistance fournis en vertu du contrat.

On notera que naturellement, un adulte placé sous tutelle ne peut généralement pas se désengager d’un contrat antérieur à la tutelle.

Mais une question se pose. Si la solution paraît simple dès lors que l’incapacité est reconnue avant l’émission de l’offre, un autre problème peut être soulevé. Qu’en est-il lorsque la survenance de la démence intervient après l’émission de l’offre de vente ? Concrètement, doit-on considérer que l’offre de la personne désormais incapable est maintenue dans la mesure où elle possédait jadis toute faculté pour l’émettre ou doit-on considérer à l’inverse que cette survenance est de nature à entrainer la péremption de l’offre ?

La réponse nous est donnée dans un arrêt Beach v. The First Methodiste Episcopal Church, où le juge américain a pu décider que la promesse de payer une somme d’argent pour la construction d’une église peut être révoquée a tout moment avant son acceptation, de sorte que la survenance de la démence opère une révocation de l’offre. Les juges ont de ce point de vu pu considérer que la démence de Mr. Beach l’avait rendu tout autant incapable de conclure un contrat ou de répéter son offre à l’église, que s’il s’agissait d’un mort. Cette solution reste contestable dans la mesure où, à proprement parler, l’incapable n’est pas mort et que l’offre formulée naguère l’avait semble-t-il été en toute connaissance de cause. Quoiqu’il en soit, il faut considérer que la démence a pour effet de révoquer l’offre.

 

3. La sanction des contrats passés par une personne sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants

«A contract made by a person who is intoxicated to the extent of impairment of normal faculties is voidable.»

Nous retrouvons le même schéma juridique que celui évoqué pour l'incapacité mentale. Ainsi, ici, il est envisageable pour la personne temporairement incapable en raison d'absorption d'alcool ou de stupéfiants de dénoncer le contrat. Cependant, dans la pratique, le juge accorde rarement à l'un des contractants la prérogative de dénoncer le contrat du seul fait de la consommation d'alcool ou de stupéfiants. Les juges semblent en effet peu enclins à faire droit à ce genre de demandes, dans la mesure où il pourrait s’agir de simples manœuvres stratégiques dans le but de dénoncer le contrat et de se soustraire de cette manière à ses engagements contractuels. A ce titre, les tribunaux retiennent qu'il est nécessaire d'établir la connaissance de par l'autre contractant de l'état d'ébriété ou de l'influence de stupéfiants pour permettre la dénonciation des contrats conclus. Un contrat conclu par une personne en état d'ébriété, au vu de la perturbation des facultés normales de cet individu, est annulable. En redevenant sobre la personne peut affirmer ou désavouer le contrat conclu. Les tribunaux exigent généralement que les actions en infirmation soient prises rapidement.

 

Bibliographie :

 

- P. Bonassies, «Formation of contracts, a study of the common core of legal systems», Volume I, éditions Shlesinger 1968, p. 877 et s.

- E. Errante, «Le droit anglo-américain des contrats», éditions LGDJ 2001, p. 147 et s.

- P. Hay, «Law of the United States», éditions Dalloz 2010, p. 136

- R. LeRoy Miller,  « Fundamentals of Business Law : Excerpted Cases », éditions Paperbound, 2013

- F. Monéger, «Droit international privé», éditions LexisNexis 2012, p. 95 et s.

- J-M. Scheb et J-M. Scheb II, «An introduction to the American legal system», éditions Aspen publishers 2010, p. 474

 

 


[1]
Dodson v. Shrader, 824 S.W.2d 545, Tenn. 1992

[2]
Supreme Court of Colorado  138 Colo. 31, 328 P.2d 1077 1958

[3]
Barnett, Randy E.,  « A Consent Theory of Contracts », Columbia Law Review,  March, 1986, p. 299

[4]
California Court of Appeal  262 Cal.App.2d 824, 69 Cal.Rptr.521 1968