par COLACI Ester et SALL Bigué, Master droit privé fondamental 2011/2012
Le canada a hérité́ de deux systèmes de justice, le droit civil français et la Common law anglaise. La Common law, qui a évolué́ à partir des décisions des tribunaux britanniques depuis la conquête normande en 1066, est aujourd’hui appliquée dans la plupart des pays colonisés ou régis par les britanniques. Le droit des biens s'est développé de façon progressive et peu spectaculaire. Le XIXe siècle a connu la fusion des règles du droit successoral applicables aux droits réels et aux droits personnels. Contrairement au reste du Canada, le droit québécois est mixte, le droit public s’inscrit dans la tradition de Common law tandis que le droit privé est d'inspiration civiliste.
Le droit québécois des biens comprend les principes qui régissent les modes d'acquisition et d'aliénation des biens, c'est-à-dire tous les mécanismes et les opérations qui caractérisent la transmission des biens. Ce droit s'intéresse à la définition de la notion de bien. Par bien on entend toute chose qui a une valeur pécuniaire (c'est-à-dire tout ce qui constitue une richesse). Cette définition engloberait tout droit quantifiable monétairement et non seulement des droits sur les choses (« droits réels »). Traditionnellement, le droit des biens se limite cependant au domaine des droits réels sur les objets incorporels ou corporels.
Le droit québécois des biens est fermement ancré dans la tradition du droit civil français. Il découle donc du droit romain. Le Code civil du Québec énonce les principes fondamentaux du droit des biens, le droit de propriété́ privée et la libre circulation des biens qui en constitue le corollaire. Il donne une définition de la prescription à l’article 2875. La prescription est un moyen d'acquérir un bien ou de se libérer d’une obligation par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi. Il existe deux types de prescriptions : la prescription extinctive et la prescription acquisitive. Cette dernière fera l’objet de nos développements.
La notion de prescription acquisitive est définie à l’article 2910 du Code civil québécois qui dispose que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir le droit de propriété́ ou l'un de ses démembrements, par l'effet de la possession. La prescription acquisitive requiert donc une possession. Cette dernière est définie à l’article 921 comme étant l'exercice de fait, par soi-même ou par l'intermédiaire d'une autre personne qui détient le bien, d'un droit réel dont on se veut titulaire. Pour produire ses effets, la possession doit se faire de façon paisible, continue, publique et non équivoque (art. 922, C.c.Q.) et doit porter sur un droit susceptible d’être acquis par possession. La prescription ne peut être fondée par la détention, même si elle se poursuit au-delà̀ du terme convenu (Art. 2913, C.c.Q.).
Pour la prescription acquisitive le calcul des délais est d'une extrême importance, car un mauvais calcul peut mener à une perte de droits. En premier lieu, le délai de prescription se compte par jour entier. Ainsi, il n'est pas tenu compte de l'heure en vue de déterminer le point de départ de la prescription. La loi ne tient pas compte, dans le calcul des délais, du jour où la prescription a débuté. Ainsi, le délai de prescription débute le jour suivant celui où le fait qui marque le point de départ de la prescription est survenu. Cette prescription n'est acquise que lorsque le dernier jour du délai est achevé (art. 2879, C.c.Q.). Si ce dernier jour est un samedi ou un jour férié, la prescription ne sera acquise qu'au premier jour ouvrable suivant. Enfin, on ne peut convenir d'un délai de prescription autre que celui prévu par la loi (Art. 2884, C.c.Q.). Le Code civil québécois a subi des modifications. En effet, le nouveau Code civil du Québec a été adopté le 8 décembre 1991 et est entré en vigueur en 1994. Le principal changement en matière de prescription réside dans la réduction et l'uniformisation des délais. Les délais de 30 ans ont été́ supprimés au profit des nouveaux délais. Ainsi, selon le nouveau droit, les délais de prescription sont de dix, cinq ou trois ans. L’article 2917 dispose que le délai de la prescription acquisitive est de 10 ans, s'il n'est autrement fixé par la loi.
Le droit civil québécois distingue deux types de biens, les immeubles et les meubles. Nous allons dans un premier temps traiter de l’acquisition de la propriété́ par possession pour les immeubles (I). Une deuxième partie sera consacrée aux biens meubles (II).
I) L’acquisition de la propriété́ immobilière par possession
Dans le droit civil québécois, l’acquisition de la propriété́ immobilière par l’effet d’une possession prolongée pendant une certaine durée se réalise par le mécanisme de l’usucapion. L’article 2918 du Code civil québécois dispose que le possesseur qui, pendant dix ans, a possèdé un immeuble à titre de propriétaire, ne peut en acquérir la propriété́ qu'à la suite d'une demande en justice. Il faut que la possession soit toujours actuelle. Le jugement n'est que déclaratif du droit de propriété́. C'est l'accomplissement de la prescription qui transfère ce droit. La loi ne fait plus de distinction selon que l’immeuble possédé́ est immatriculé ou non. Contrairement à la prescription des droits mobiliers, la prescription en matière de droit immobilier n'est pas influencée par la bonne ou mauvaise foi du possesseur. Elle débute au moment de la possession par celui qui prescrit ou ses auteurs.
Le mécanisme de la prescription acquisitive joue également pour les biens meubles.
II) L’acquisition de la propriété́ par possession pour les biens meubles
L'article 2919 du Code civil québécois dispose que le possesseur de bonne foi d'un meuble en acquiert la propriété par trois ans à compter de la dépossession du propriétaire. Cette disposition n'est pas limitée aux meubles corporels. Contrairement à la prescription en droit immobilier, il faut que le possesseur d'un meuble soit de bonne foi au moment de l'acquisition de celui-ci pour pouvoir invoquer la prescription de trois ans. En effet, le possesseur de mauvaise foi ne peut prescrire que par dix ans à compter de la dépossession du propriétaire. Un possesseur est de mauvaise foi lorsqu'il a eu une connaissance effective du fait qu’il n’est pas le propriétaire du bien au moment où il a acquis le bien. Une personne qui s’empare d’un bien perdu est considérée de mauvaise foi. C'est au moment de l'acquisition que le possesseur doit être de bonne foi. Le point de départ de la prescription acquisitive en matière mobilière est la dépossession du propriétaire.