par Zina Zouitni, Florence Loubbardi et Hélène Ribot-Petry, Master droit privé 2010/2011
Un contrat valable doit être exécuté par chacune des parties comme le rappelle la célèbre locution latine Pacta sunt servanda. Si une partie cherche à se dérober de son obligation ou exécute mal son obligation, sa responsabilité contractuelle pourra être mise en cause. Dans un souci de prévision et de sécurité juridique, les parties peuvent avoir prévu dans le contrat initial des clauses qui ont pour but d'aménager la responsabilité de l'une des parties en cas de difficultés d'exécution. Elles ont pour objectif principal de limiter autant que faire ce peu la responsabilité de la partie défaillante en écartant le principe de la réparation intégrale au nom de la liberté contractuelle.
Les clauses limitatives de responsabilité et celles exclusives de responsabilité bien qu'ayant le même but, à savoir limiter la responsabilité de l'auteur de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de l'obligation contractuelle, se distinguent. Les clauses limitatives déterminent un plafond au-delà duquel la victime de l'inexécution ne peut prétendre à être indemnisée. Il y aura, donc, une indemnisation du contractant lésé mais celle-ci ne sera pas intégrale par le jeu de la clause. Lorsqu'a été stipulée une clause exclusive de responsabilité, l'auteur du manquement ne répondra pas de son comportement et n'engagera aucune responsabilité. Le cocontractant sera, par conséquent, forcément, lésé par l'application de la clause.
Le problème de ces clauses se pose souvent dans les contrats d'adhésion. Au Royaume-uni, cette notion est traduite par expression « Contract of adhesion ». On peut donner une définition assez simple de ce type de contrat. Il s'agit du contrat conclu entre deux parties dont l'une ne peut en fait discuter les termes du contrat et n'a que la liberté d'accepter ou de refuser le contenu global de la proposition de convention.
Au Royaume-Uni, la loi de 1977 dite « Unfair contract terms acte 1977 », qui est toujours en vigueur, est applicable dans ce domaine. Elle est entrée en vigueur le 1er février 1978 et ne s'applique pas aux contrats passés avant cette date. A priori, si on traduit littéralement l'intitulé de la loi, elle semble porter sur les clauses dites abusives qui peuvent avoir été stipulées dans un contrat. Pourtant, la loi se concentre en grande partie sur les clauses exonératoires de responsabilité. La loi poursuit comme objectif de lutter contre les clauses de non responsabilité ayant un caractère abusif.
En effet, elle interdit certains types de clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité et prévoit une appréciation du caractère équitable et raisonnable des clauses par le biais d'un test qui sera effectué en tenant compte des circonstances de chaque espèce. La loi vise spécifiquement la responsabilité contractuelle susceptible de naître d'une activité professionnelle, elle est, en effet, relative aux «business liability». On peut déduire de cela qu'elle n'est pas applicable aux clauses exonératoires ou limitative de responsabilité stipulées par des contractants en dehors de tout cadre professionnel.
La section 3 de la loi est spécifique à la responsabilité contractuelle. Il est prévu notamment dans cette section que le professionnel ne peut exclure ou limiter sa responsabilité contractuelle par une clause du contrat ou encore ne peut se baser sur une clause de ce genre pour proposer une exécution substantiellement différente de ce que l'autre partie pouvait raisonnablement attendre de lui. Cependant, la loi n'interdit pas ce type de clause si le professionnel établit que la clause lorsqu'elle a éte
stipulée présentait un caractère raisonnable. Il existe, donc, une présomption qui implique que c'est le professionnel qui doit apporter cette preuve.
La loi prévoit également des dispositions à destination du juge qui sont censées lui permettre d'apprécier le caractère raisonnable ou non de la clause qui donne lieu au litige entre les parties. Ces critères d'appréciation sont énoncés dans la Section 11 dans l'annexe 2 de la loi. Le juge devra se placer, tout d'abord, au moment de la conclusion du contrat pour apprécier le caractère raisonnable et se demander si la clause en cause était raisonnable et équitable si on la confronte aux circonstances connues et envisagées par les contractants ou qui auraient dû l'être.
Par ailleurs, il devra effectuer ce travail d'appréciation en se référant à un certain nombre de critères économiques énumérés de façon non limitative en annexe de la loi. Il peut, par exemple, se référer à la force économique respective des parties en tenant compte entre autres d'éventuelles autres possibilités répondant aux exigences du client.
Clauses de non-responsabilité et contrats d’adhésion sont deux questions qui restent intimement liées.
Quelle est la solution en dehors d'un contrat d'adhésion ?
En dehors d'un contrat d'adhésion, les parties sont supposées être à arme égales et peuvent, donc, librement négocier les termes du contrat et stipuler de telles clauses. Des limitations jurisprudentielles sont cependant applicables pour rétablir une certaine égalité entre les parties lorsque cette égalité est rompue du fait du jeu d'une clause limitative ou exclusive de responsabilité.
Dans la décision L’Estrange v. Graucob (Court of Appeal 1934) les magistrats ont considéré que le signataire est lié par la clause à moins qu’il ne prouve qu’il a contracté sous l’empire d’un dol ou d’une « misrepresentation ». La clause de non responsabilité n’écarte que la responsabilité contractuelle stricte et laisse donc la possibilité dans le cadre d’une action délictuelle de mettre en cause la négligence du débiteur.
Néanmoins, la jurisprudence par une interprétation contra preferentem permet d’en faire une interprétation restrictive, à l’encontre de celui qui a stipulé la clause (Baldry v. Marshall CA 1925). Le recours à la fundamental breach est un autre moyen de lutter contre ces clauses (arrêt Chanter v. Hopkins 1838) et fait référence au but principal du contrat : Les parties ne peuvent pas y toucher par une clause de non- responsabilité sans remettre en cause le contrat lui-même et nier sa force obligatoire.
L’autre moyen d’échapper à une clause de non-responsabilité est de prouver qu’elle contredit un engagement accessoire au contrat, pris en dehors du contrat principal, en général pendant la négociation. La Court of Appeal accepte de reconnaître l’existence de contrats accessoires que la clause de non- responsabilité ne peut pas écarter. (Arrêt Webster v. Higgin 1948).
Les stipulations relatives aux dommages et intérêts peuvent répondre à deux objectifs très différents : elles peuvent chercher à anticiper une compensation due en cas d’inexécution afin d’éviter les difficultés à évaluer le préjudice. Mais elles peuvent aussi poursuivre un but d’intimidation en stipulant l’obligation de payer une somme exagérée par rapport à un préjudice probable, ce qui la rapproche d’une peine privée. Le droit anglais tire les conséquences de cette dualité en faisant la différence entre les « liquidated damages » et la « penalty ». Cette dualité se traduit par deux régimes juridiques différents : dans le premier cas, la volonté des parties se doit d’être respectée alors que dans le second, on niera toute obligation de payer un montant autre que celui du préjudice réel, la « penalty » étant inéquitable et ne visant pas à évaluer le dommage. Cette dualité de régime juridique trouve sa source dans la dualité Common-law/Equity, l’Equity ayant développé des correctifs sanctionnant les comportements inéquitables, et ce, dès le XVII ème siècle (administration of justice acts de 1696 et 1705). L’affaire Dunlop jugée en 1915 par la Chambre des Lords a permis à la jurisprudence de dégager les critères permettant d’identifier les clauses pénales dans le contrat :
En l’état actuel du droit anglais, les parties au contrat doivent éviter de stipuler le versement d’une somme déraisonnable détachée de la réalité d’un éventuel préjudice afin de prévenir un litige sur le montant de la compensation due en cas d’inexécution.
L’utilisation du terme force majeure est un emprunt au droit français que les anglais se sont abstenus de définir. Lorsque le terme est utilisé de manière isolée, les juges n’en limitent pas la portée à la seule survenance des événements naturels et ne veulent pas l’assimiler au Vis major en droit romain ( jurisprudence Matsoukis v.Priestman & co. 1915) : en l’espèce, le demandeur souhaitait exclure l’application de la clause dans un contrat de construction navale où le retard était causé par des problèmes de pannes des machines et une grève générale ; la Cour a considéré que ces évènements étaient constitutifs de force majeure alors qu’il ne s’agissait pas d’évènements naturels étrangers à l’action humaine. Les clauses de force majeure sont variables en contenu et en longueur. L’expression « force majeure » apparaît pour annoncer une liste de causes susceptibles d’affecter l’exécution normale du contrat. Ces clauses souvent complexes prévoient généralement de notifier l’empêchement au créancier dans un certain délai et une certaine forme ainsi que les conséquences que l’empêchement est susceptible d’avoir sur le contrat : extinction totale, partielle, délais supplémentaires ou obligation de renégocier le contrat. L’interprétation des clauses de force majeure se fait contra preferentem, c’est-à-dire à l’encontre de la partie qui invoque la clause.
Quant à son assimilation à une clause de non-responsabilité susceptible d’être affectée par les dispositions du Unfair Contract Terms Act de 1977, les auteurs considèrent que ces deux types de clauses sont distinctes. La jurisprudence interdit à un débiteur de s’exonérer lorsque son attitude est déraisonnable ou négligente.