Recherche pour le M2 droit comparé 2010/2011, par Mathilde Scheffer
Le principe de la responsabilité contractuelle implique la réparation d’un dommage généré par l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat. Le droit de la responsabilité autorise des aménagements conventionnels à ce principe. Ces aménagements conventionnels sont admis de manière généralisée en Europe.
Les parties peuvent, en principe, prévoir des aménagements conventionnels à leur responsabilité contractuelle en cas d’inexécution ou d’exécution défectueuse de leurs obligations. Mais la liberté contractuelle n’est pas sans limite. Des tempéraments sont développés par la jurisprudence et le législateur.
Rappelons ici que le Code civil luxembourgeois est le Code napoléonien. La jurisprudence, quant à elle, est pour l’essentiel l’œuvre de la Cour de cassation française dont les juridictions luxembourgeoises reprennent les solutions et suivent les revirements. Ainsi la Cour de cassation luxembourgeoise adopte une démarche identique à celle de la Cour de cassation française.
La jurisprudence et la loi ont admis, en principe, la validité des clauses limitatives de responsabilité et les clauses exclusives de responsabilité. Elles ont pour objet de diminuer ou de supprimer la responsabilité d’un contractant en cas de non exécution ou de mauvaise exécution de ses obligations.
Ces clauses sont valables puisque conformes au Code civil. L’article 1150 dispose : « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ». Ainsi la réparation en matière contractuelle ne comprend, sauf en cas d'inexécution dolosive, que le seul dommage normalement prévisible lors de la conclusion du contrat. C’est l’autonomie de la volonté des parties qui est consacrée ici.
Mais ce principe n’est pas absolu : des tempéraments à la validité des clauses sont prévus. De manière générale, comme l’indique l’article 1150 du code civil et le confirme la jurisprudence, une clause limitative ou exclusive de responsabilité contractuelle est jugée inefficace en cas de faute dolosive ou faute lourde. (Cour d’appel 13 décembre 1984, Pas.29, 238 et 9 février 1994, Pas 29, 315). Seules les fautes légères sont indifférentes. La Cour de cassation écarte également de telles clauses lorsqu’elles vident le contrat de sa substance. (Lux. 21 mars 2003, n°77/2003 III) ou encore lorsqu’elles excluent une obligation impérative d’origine légale. La clause peut restreindre la substance de l’obligation, à condition que celle-ci conserve une cause suffisante, efficiente (Article 1135 du Code civil). La substance de l’obligation peut être simplement diminuée, la clause est dans ce cas valable. Cette règle suppose une analyse concrète de l’équilibre du contrat et de la volonté des parties par le juge.
La preuve de l’acceptation des clauses exclusives ou limitatives de responsabilité doit être apportée. De telles clauses ne sont pas soumises à des conditions de validité « renforcées ». Elles ne doivent pas faire l’objet d’une acceptation spéciale, comme cela existe, par exemple, en droit italien où la clause limitative de responsabilité doit faire l’objet d’un consentement exprès avec signature apposée après la clause. La cour d’appel luxembourgeoise interprète toutefois l’article 1135-1 comme « [ayant] pour but de subordonner l’opposabilité de ces conditions générales préétablies à leur acceptation en pleine connaissance de cause » (Cour d’appel 10 mai 2000, nos.21656 et 21860 du rôle).
Le recours à ces aménagements est interdit ou du moins encadré dans certains domaines. Le cas le plus parlant est le droit de la consommation et la protection du consommateur dans sa relation avec un professionnel. Le droit luxembourgeois contient une disposition générale qualifiant d’abusive la clause
qui « entraîne dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur ». Cette définition générale est complétée par une énumération de clauses abusives. Ces clauses ne sont pas valables en cas de mort du consommateur ou de dommages corporels, résultant d’un acte ou d’une omission du professionnel. Le droit luxembourgeois invalide de manière expresse toute clause en cas de préjudice corporel ou de décès, au nom du principe de l’indisponibilité du corps humain.
Egalement appelées clauses forfaitaires, elles fixent à l’avance le montant de l’indemnisation en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat. Ce caractère forfaitaire conduit à ce que la somme due ne puisse être ni inférieure ni supérieure à la peine stipulée. Tout comme dans le droit français, ces clauses sont validées par l’article 1152 du code civil. L’intérêt de la clause pénale est double : c’est une fonction à la fois indemnitaire et comminatoire (Cour d’appel 6 mai 1992, n°13361 du rôle)
Le recours systématique à ce type d’aménagement contractuel a entraîné des abus et amené à une modification de la législation en 1987. Les articles 1152 et 1231 du Code civil ont été modifiés pour conférer au juge un nouveau pouvoir modérateur, après constatation d’une clause manifestement excessive, dans le cas d’une inexécution totale ou partielle d’une obligation contractuelle. La victime d’un préjudice ne peut prétendre à un montant supérieur à celui prévu dans la clause pénale, sauf caractère manifestement dérisoire. De même, lorsqu’elle présente un caractère manifestement excessif, la réduction d’une clause forfaitaire peut être décidée par le juge, en considération du préjudice effectivement souffert. (Cour d’appel 9 novembre 1993, Pas. 29, 293).
L’article 1148 du code civil luxembourgeois dispose : « Il n'y a lieu à aucun dommage et intérêt lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ». La force majeure réunit trois éléments : l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. Pour valoir exonération du responsable d’un préjudice, il faut que la cause étrangère présente ces caractères. Comme en droit français, ce principe est susceptible de dérogation et un contractant peut décider d’assumer la charge d’un évènement de force majeure
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