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Australie

Le contrat de mère porteuse en Australie

par Iva Peni, Giuseppe Esposito et Morgne Legrand

Bien que la Constitution du Commonwealth d'Australie soit en soi une loi du Parlement britannique, et malgré la dépendance historique au système Britannique, l'indépendance législative complète australienne est établie depuis la loi de 1986. Les Etats et territoires de l’Australie forment une fédération et composent le CommonWealth d’Australie qui est divisée en six Etats, trois territoires continentaux et d’autres petits territoires extérieurs. Chaque Etat et territoire a ses propres lois. Il est vrai que ces différents systèmes juridiques s'influencent mutuellement mais pas de manière contraignante. Un exemple qui montre bien cette dynamique est la gestation pour autrui (GPA) qui est une méthode de procréation médicalement assistée et sujet à des nombreuses controverses. En ce qui concerne cette méthode spécifique de procréation les pays peuvent être regroupés en trois catégories: les pays autorisant la GPA, les pays laissant un vide juridique sans interdiction et les pays l’interdisant.

En Australie, la gestation pour autrui  peut être utilisée pour le traitement de la stérilité uniquement sur une base non commerciale. Dans toutes les juridictions de l’Australie seule la gestation pour autrui altruiste (Altruistic Surrogacy) est  permise par la loi. Ce type de gestation pour autrui n’octroie aucun avantage financier à la mère porteuse.  En revanche la gestation pour autrui commerciale est une infraction pénale ( sauf pour le territoire du Nord où il n’y a pas de législation sur ce sujet).

Les lois réglementant la gestation pour autrui diffèrent selon les Etats fédérés. Dans le Queensland,  depuis le 1er juin, la gestation pour autrui altruiste est autorisée avec le ‘’Surrogacy Act 2010 No.2.’’. Dans le New South Wales  le ‘’Surrogacy Act 2010 No.102’’ et dans le Australian Capital Territory le ‘’Parentage Act 2004’’ permettent la gestation pour autrui altruiste. Dans le Western Australia avec le ‘’Surrogacy Act 2008’’ et dans le South Australia avec le ‘’Family Relationship Act 1975’’ la gestation pour autrui altruiste est permise mais seulement pour les couples de sexe opposées. A contrario cela reste prohibé aux personnes qui ne sont pas en couple ou encore aux couples de même sexe. En Tasmanie, la gestation pour autrui altruiste est permise avec le ‘’Surrogacy Act No.34’’ et les  ‘’Surrogacy consequential ammendements’’. Il y a toutefois des conditions à remplir : la mère porteuse doit avoir au moins 25 ans et il ne faut pas que cela soit sa première grossesse.  Enfin, dans le Northern Territory, il n’y a pas de législation et pas de projet sur ce point donc ce n’est ni prohibé ni réglementé par la loi.

Il convient d’examiner les conditions de formation des contrats de mère-porteuse(I) et les effets de cette gestation pour autrui altruiste (II).

I.               La conclusion de la convention de mère-porteuse: des approches différentes selon les Etats

Il existe aujourd’hui trois modèles de législation concernant les contrats de mère-porteuse en Australie. Le premier modèle concerne l’État du Northern Territory. Dans cet État, aucune législation ne régit la gestation pour autrui et aucun projet n’est en cours à ce sujet. La doctrine australienne tire comme conclusion de ce vide juridique que les contrats de mère-porteuse ne sont pas interdits ni règlementés et laissent à la jurisprudence le soin de poser des limites d’ordre éthique. Paradoxalement, certains praticiens tel que Stephen Page affirment que cet État sans législation à ce sujet est celui qui laisse le plus de libertés quant à la conclusion de contrats de mère-porteuse (gestation pour autrui traditionnelle ou non, commerciale ou non etc). Ainsi, selon eux, le vide juridique ouvre toutes les portes aux pratiques de gestation pour autrui.

Le second modèle concerne les États du Queensland, du New South Wales, de l’Australian Capital Territory, du South Australia et plus récemment de Tasmania. Dans chacun de ces États, la gestation pour autrui “altruiste” est autorisée et règlementée par les différentes lois vues précédemment. Dans ces États:

- La gestation pour autrui n’est pas ouverte aux célibataires ou aux couples ensemble depuis moins de 2 ans. En Western Australia et South Australia, elle est également fermée aux couples homosexuels. Les couples doivent prouver que la gestation pour autrui est leur dernier moyen d’avoir un enfant.

- La mère porteuse doit avoir plus de 25 ans et doit avoir mené au moins une grossesse à terme. Elle ne doit avoir aucun lien de parenté avec les futurs parents de l’enfant.

- Les parents et la mère-porteuse ne doivent avoir aucun casier judiciaire.

- La GPA et la demande de filiation sont deux étapes bien distinctes qui impliquent différentes conditions contractuelles. Les contrats de mère-porteuse ne doivent pas forcément être écrits, seuls des conseils juridiques avant formulation du contrat doivent obligatoirement être faits selon la loi. Par exception, en South Australia, le contrat oral est considéré comme illégal par la loi mais n’est pas sanctionné en pratique par la jurisprudence. Cependant, s’il n’est pas nécessaire à la validité du contrat de GPA, l’écrit est utile puisque certains États n’autorisent pas les demandes de filiation après la naissance de l’enfant en l’absence de contrats écrits, tandis que les autres États recommandent fortement la rédaction d’écrits afin de faciliter la procédure de filiation. (cf. II A)

- Les frais engendrés par la grossesse peuvent être pris en charge par les parents même si la gestation pour autrui commerciale est interdite. Des accords financiers sont donc autorisés mais ne permettent pas de paiement supérieur aux frais médicaux.

Le troisième modèle est celui de l’État de Victoria, Western Australia. Dans ce modèle, en plus des conditions présentes dans les États du second modèle, il y a l’obligation d’obtenir l’approbation d’un comité de l’État (the State government regulator) avant de contracter. Ce même comité exerce également un contrôle sur l’exécution du contrat après la naissance de l’enfant. Ce comité est formé par des magistrats qui analysent chaque dossier au cas par cas, la procédure est réputée lente et couteuse dans cet État.

 

II.            Les effets d’un contrat de gestation pour autrui

A. La filiation

Quel que soit le modèle, la gestation pour autrui commerciale est interdite en Australie, ce qui signifie qu'il est illégal de payer ou de faire de la publicité pour une mère porteuse. Au lieu de cela, les gens se tournent habituellement vers un ami proche mais aussi, depuis de récentes évolutions jurisprudentielles vers un parent. Dans tous les États, la GPA est bien distincte de la demande de filiation et les rapports avec la mère porteuse peuvent en devenir complexes.

L’intérêt suprême de l’enfant est central dans tous les États fédérés. Il convient dans ce but d’obtenir un accord formel par écrit liant la mère porteuse et le couple définissant les droits qu’aura la mère porteuse dans la vie de l’enfant. Bien que toute entente écrite n’est pas juridiquement contraignante, elle sera considérée par un tribunal comme une indication des intentions des parties si un différend devait survenir à un stade ultérieur. Les futurs parents, ainsi que la mère porteuse, doivent se soumettre à des contrôles de police et recevoir des visites des services de protection de l'enfance.

En vertu de la loi sur la famille de 1975 lorsque l'enfant est né, la femme qui donne naissance (c'est à dire la mère porteuse), et son partenaire actuel sont légalement présumés être les parents de l'enfant et seront nommés sur le certificat de naissance de l'enfant. Les futurs parents doivent demander en premier lieu à la Cour du comté de L’État fédéré ou la Cour suprême de l’État fédéré une ordonnance leur permettant d'avoir leurs noms inscrits sur le certificat de naissance de l'enfant. 

Il est recommandé aux futurs parents d’obtenir dans un second temps des ordonnances parentales du tribunal de la famille au niveau fédéral pour confirmer chacun de leurs statuts en tant que parent de cet enfant. Il s'agit de s'assurer que les futurs parents sont légalement reconnus comme ayant la responsabilité parentale sur leur enfant, notamment le droit de prendre des décisions importantes, comme la scolarisation, la santé, la religion  et d'autres décisions comme les voyages à l'étranger. 

Dans un effort pour protéger les donneurs de sperme de responsabilités financières et autres obligations, la loi ne les reconnaît pas en tant que parents. Cette disposition a des implications pour les couples qui utilisent une mère porteuse pour porter leur enfant. Par exemple, antérieurement au Suggorracy Act 2010, la Cour de la famille de l'Australie avait été appelée à se prononcer sur un cas en 2009, dans lequel un enfant était né à la suite d'un accord de gestation pour autrui  dans la famille où une mère avait offert de porter l'enfant de sa fille pour elle. La mère avait subi une FIV avec le sperme du mari de sa fille et d'un ovule d'un tiers inconnu. Lorsque l'enfant était né, la mère et le mari de sa fille (à savoir le donneur de sperme) avaient été inscrits sur le certificat de naissance de l'enfant. La mère porteuse avait ensuite remis l'enfant à sa fille et son gendre. Cependant par la loi, la mère et son conjoint de fait ont été présumés être les parents de l'enfant parce que la mère porteuse était la personne qui avait effectivement donné naissance à l'enfant. Ceci en dépit du fait que le mari de la fille ait été nommé sur le certificat de naissance du père. La Cour a affirmé qu'en vertu de la législation australienne, ni sa fille ni son mari ne pouvait être considéré comme les parents de l'enfant. La Cour a toutefois noté que de nouvelles modifications de la loi étaient nécessaires pour éviter que de telles situations ne se reproduisent. Cela a donc abouti à la réforme de la loi en 2010.

B. Rejet des effets patrimoniaux du à l’interdiction commerciale

La gestation pour autrui altruiste n’octroie aucun avantage financier à la mère porteuse. Il est prohibé de rémunérer la mère porteuse sauf exception pour les factures médicales et autres dépenses liées à la grossesse. Le paiement ne peut alors excéder le montant des frais médicaux.

Il y a de nombreuses raisons qui justifient ce rejet de la ‘’Commercial Surrogacy’’ en Australie. Les personnes hostiles à celle-ci pensent que c’est un processus très lourd d’un point de vue éthique et juridique et que l’Australie ne devrait pas se joindre au groupe des Etats qui permettent la ‘’commercial surrogacy’’. Cette vaste majorité pense que la ‘’Commercial surrogacy’’ est moralement répréhensible parce qu’il s’agit d’une exploitation économique des femmes les plus défavorisées. De plus, elle porte atteinte au principe de non-commercialisation du corps humain.

Conclusion :

Les lois complexes voire contradictoires concernant la gestation pour autrui en Australie conduisent de nombreux couples australiens à se tourner principalement vers l’Inde et la Thaïlande où la procréation assistée n'est pas réglementée par la loi à l'heure actuelle.  On estime qu’environ 500 couples australiens concluent des conventions de gestation pour autrui commerciale à l’étranger chaque année. Ce type de convention, comme nous l’avons vu, est interdite dans la plupart des États australiens, mais perd son caractère illicite si cela est fait à l’étranger. A l’échelle nationale, le « family law council » examine la meilleure façon de traiter les problèmes juridiques posés par le recours toujours plus croissant à la gestation pour autrui.

 Sources :

-        Westlaw international

-        Jenni Milbank , (2013) 27(2) Australian Journal of Family Law Resolving the Dilemma of Legal Parentage for Australians Engaged in International Surrogacy

-        blog de Stephen Page, avocat, surrogacyandadoption.blogspot.fr/2012_05_01_archive.html.

-        site du gouvernement australien, https://www.qld.gov.au/law/births-deaths-marriages-and-divorces/surrogacy/

-        site du ministère de la santé australien, http://www.betterhealth.vic.gov.au/bhcv2/bhcarticles.nsf/pages/Surrogacy_the_issues

             http://ivf.com.au/fertility-treatment/donor-program/surrogacy