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Californie

Les contrats de mère porteuse en Californie

par Carla SARFATI, Yannick CAPON et Baptiste VILMAIN


La question des mères porteuses ne date pas des techniques de procréation médicalement assistée. De tous les temps, des femmes ont accouché sous un nom de substitution et ont laissé une autre élever leur bébé. Il s’agissait souvent d’enfants nés d’une relation adultère et élevés par le couple légitime.

La gestation pour autrui, communément appelée GPA, est une méthode de procréation médicalement assistée interdite en France. Elle est généralement pratiquée lorsque la femme du couple ne peut porter l’enfant du fait d’une absence ou d’une malformation de l’utérus. Concrètement, une mère dite « porteuse » peut soit accueillir un embryon issu d’une fécondation à laquelle elle n’a pas participé et mener la grossesse, pour donner naissance à un enfant qui n’est donc pas génétiquement le sien soit donner également l’ovule nécessaire à la fécondation, l’enfant sera alors génétiquement le sien.

 Si cette pratique est prohibée en France depuis 1994, dans certains Etats américains, comme la Californie, elle est non seulement autorisée mais aussi parfaitement entrée dans les mœurs. Un millier d’enfants naîtrait grâce à ce procédé chaque année outre-Atlantique. Les cliniques et instituts spécialisés y ont pignon sur rue et les petites annonces de « womb for rent » (utérus à louer) fleurissent dans les magasines féminins et sur internet.

 Pour toutes ces raisons, il semble légitime de nous intéresser au contrat de mère porteuse californien en étudiant successivement la conclusion (I) et les effets (II) de celui-ci.

I. La conclusion d'un contrat de mère porteuse en Californie

Dans un premiers temps, seule la jurisprudence des cours californiennes avait posé les premiers jalons de la réglementions du contrat de mère porteuse (A), avant l’intervention du législateur (B).

A. Les réponses des cours californiennes

Le 20 mai 1993, la Cour Suprême de Californie, dans son arrêt « Johnson v. Calvert », énonçait que les parents intentionnels qui ont conclu un contrat de mère porteuse sont les parents de l’enfant[1]. La Cour conclut que la loi Californienne reconnait le lien de maternité soit à la femme qui est lié génétiquement à l’enfant, soit à la femme qui donne naissance à l’enfant. Lorsque que ce n’est pas la même femme, la loi californienne n’autorisant pas qu’un enfant ait deux mères il faut faire un choix. Pour la Cour, la femme qui a eu l’intention de faire un enfant, l’intention de procréer, l’intention d’élever l’enfant est la mère naturelle de l’enfant en application de la loi californienne. Le lien de paternité ne posait pas de difficulté dans ce cas puisque le père intentionnel était également le donneur de gamète. Ce cas ne  s’applique que si les parents intentionnels sont également les donneurs des gamètes. Au sujet des questions éthiques, la Cour renvoie ces discussions au législateur. Elle se contente de vérifier si le consentement de la mère porteuse est valable. En l’espèce, ayant déjà eu un enfant et étant infirmière, elle avait toutes les capacités intellectuelles pour comprendre à quoi l’engageait un tel contrat.

La Cour des appels de Californie a été amenée à se prononcer sur le contrat de mère porteuse dans des conditions différentes. Dans l’arrêt « in re Marriage of Moschetta » du 10 juin 1994, la mère porteuse était également la mère génétique de l’enfant, seul le père intentionnel avait donné son sperme[2]. Les parents intentionnels se séparèrent. Pour la justice californienne, le père intentionnel et la mère porteuse étaient les parents de l’enfant, la mère intentionnelle se trouve sans lien de parenté envers l’enfant.

 Compte tenu des difficultés que pose le contrat de mère porteuse les juges en appellent encore au législateur. Ces difficultés apparaissent encore plus lorsque l’enfant est issu de gamètes provenant de donneurs anonymes. En effet, six personnes peuvent alors revendiquer un lien de parenté : les donneurs des gamètes, les parents intentionnels, la mère porteuse et son conjoint. Dans l’affaire, « in re Marriage of Buzzanca » de 1998 la Cour des appels de Californie considère que ce sont les parents intentionnels qui sont les parents de l’enfant[3].

 En 2005 ,la Cour Suprême de Californie reconnait que deux femmes peuvent être les parents légaux d’un enfant né d’un contrat de mère porteuse[4]. Par extension cette règle s’applique également aux hommes. Il faudra attendre 2012 pour que le législateur californien intervienne.

 B. L’intervention du législateur californien

 La loi du 23 septembre 2012 sur le contrat de mère porteuse est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Elle est codifiée aux sections 7960 et suivantes du Code Californien de la Famille. La plupart des questions tranchées par la jurisprudence restent en vigueur. Le contrat de mère porteuse peut prévoir soit que la mère porteuse porte un embryon issu de donneur anonyme soit qu’elle porte un embryon issu d’une de ses ovules. Les personnes de même sexe peuvent également conclure un contrat de mère porteuse. Le législateur va même plus loin puisqu’un célibataire peut conclure un contrat de mère porteuse.

 Pour mieux protéger les parties, le législateur a voulu mieux encadrer la conclusion du contrat de mère porteuse. Dans le contrat de mère porteuse, devra figurer le nom des personnes dont sont issues les gamètes sauf en cas de donneur anonymes ainsi que l’identité du ou des parents intentionnelles. Ces derniers et la mère porteuse doivent être représentés par des avocats différents. En outre, le contrat devra prendre la forme notariée et cela avant son exécution. La mère porteuse ne pourra pas subir une procédure de transfert d’embryon ou commencer un traitement médical en vue d’un transfert d’embryon tant que ces formalités ne sont complètement exécutées.

 Il convient à présent de s’intéresser aux effets d’un tel contrat en Californie.

 II. Les effets du contrat de mère porteuse en Californie

 Un tel contrat californien emporte à la fois des effets extrapatrimoniaux (A) et patrimoniaux (B).

A. Effets extrapatrimoniaux

 C'est dans sa décision « Johnson v. Calvert », rendue en 1993, que la Cour suprême de Californie a établi pour la première fois que les parents légaux d'un enfant sont ceux qui ont l'intention de l'être dès la conception. Dans cette affaire, où la mère porteuse et la mère génétique se contestaient mutuellement la filiation maternelle, la Cour suprême a considéré qu'elles étaient toutes deux les mères « naturelles » de l'enfant, puisque, selon la loi californienne, la maternité est prouvée soit par l'accouchement soit par un test génétique. Pour établir la filiation juridique, il fallait, selon la Cour suprême, se placer au moment de la conception. À cette date, seule la mère biologique avait l'intention d'être la mère de l'enfant. Par conséquent, c'est elle qui a été reconnue comme la mère légale de l'enfant.

 Par ailleurs, les tribunaux ont progressivement admis que les parents commanditaires peuvent, s'ils sont les parents génétiques de l'enfant à naître, obtenir avant la naissance une décision judiciaire leur attribuant la filiation. Ils peuvent en effet, par une procédure à laquelle la mère porteuse et son éventuel conjoint doivent consentir, demander au tribunal qu'il rende, avant la naissance, une décision selon laquelle :

- ils sont les parents légaux de l'enfant et ont le droit de lui donner un prénom ;

- la mère porteuse et son conjoint n'ont pas de droit ni l’autorité parentale à l'égard de l'enfant ;

- le personnel de l'établissement du lieu de l'accouchement doit porter le nom des parents commanditaires sur la déclaration de naissance.

Le contrat de mère porteuse californien comporte également des effets patrimoniaux.

B. Effets patrimoniaux

On distingue deux types de conventions de mère porteuse : celle qui est faite dans un but lucratif et l’autre, faite à titre gratuit. Sur le territoire américain, la majorité des conventions sont à but lucratif.

Les conventions de mères porteuses définissent donc le paiement de la somme d’argent comme la contrepartie du service rendu par la mère porteuse et non comme contrepartie de la délivrance d’un produit. La raison en est qu’il faut éviter, devant les tribunaux, que le contrat puisse être annulé au motif que son objet serait la vente d’enfant (le « Baby Selling ») qui est prohibée.

S’il n’existe pas de règle prédéfinie en la matière, il est tout de même possible de dégager une rémunération/compensation financière moyenne pour la mère porteuse californienne. Ainsi, cette dernière touche généralement une somme de base comprise entre 25.000 et 35.000$, somme à laquelle s’ajoute un versement mensuel d’environ 2.000$ auquel s’ajoute un versement mensuel de plus de 1.000$ pour l’achat de vêtements de grossesse à partir du cinquième mois. Cela correspond donc à près de 50.000$, soit 36.300€ environ. Enfin, il convient de souligner que cette somme augmente lorsque la californienne porte plusieurs fœtus ou qu’elle n’en est pas à son premier contrat de mère porteuse.   

 


[1] Johnson v. Calvert, 851 P.2d 776 (Cal. 1993)

[2] in re Marriage of Moschetta, 30 Cal. Rptr. 2d 893 (Cal. Ct. App. 1994)

[3] In re Marriage of Buzzanca, 72 Cal. Rptr. 2d 280 (Cal. Ct. App. 1998)

[4] Elisa B. v. Superior Court, 117 P.3d 660 (Cal. 2005); K.M. v. E.G., 117 P.3d 673 (Cal. 2005); Kristine H. v. Lisa R.,117 P.3d 690 (Cal. 2005)