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Grèce

Le contrat de mère porteuse en Grèce - processus autorisé et encadré par la loi

Par Isabelle Mavridis

 

La notion de mère porteuse est une notion basée sur le concept d’altruisme qui offre la possibilité aux femmes désirant avoir des enfants, confrontées à de problèmes de santé, de pouvoir devenir mères.

La gestation pour autrui est une technique de procréation par laquelle une femme (dite "mère porteuse") porte l'enfant d'un couple afin de prendre en charge le développement de l'embryon dans son utérus.

L’institution de mère porteuse représente un moyen d’aide à la procréation humaine. L’institution en question a été introduite pour la première fois dans la vie juridique grecque, par les dispositions de la loi 3089/2002[1] et se matérialise notamment à travers les articles 1458 et 1464 du code civil grec. Le législateur grec puise ses sources : d’une part dans la Constitution hellénique, en effet l’article 5 de la Constitution hellénique pose le droit de chaque personne d’avoir des descendants si celle-ci le souhaite, si la méthode de procréation utilisée n’est pas contraire à la morale, et d’autre part dans la convention d’Oviedo du Conseil de l’Europe du 1997 relative à la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine.[2]

La loi 3089/2002 a été complétée par la loi 3305/2005[3] qui a apporté des précisions supplémentaires relatives à l’âge de la mère qui souhaite avoir un enfant, la santé physique et psychique de la mère porteuse ainsi que de la personne qui souhaite avoir un enfant.

Ainsi, en Grèce le cadre législatif qui fixe les questions relatives aux contrats de mères porteuses se matérialise par la coexistence de deux lois, la loi 3089/2002 et la loi 3305/2005 qui constituent un mécanisme législatif assez détaillé et cohérent.

La mère qui souhaite avoir un enfant est la « mère génétique » et celle qui va prendre en charge la gestation de l'enfant est appelée « mère porteuse » ou plus précisément « mère gestatrice». La mère porteuse ne fournit pas de contribution génétique, c'est-à-dire un ovule, mais prend uniquement en charge le « développement in utero » d'un embryon. A la naissance, elle remet l'enfant à la « mère génétique » (ou « sociale » en cas de don d'ovules d’une tierce femme) et à son éventuel père. 

Suivant l'article 1458 du code civil grec, le transfert dans le corps d'une autre femme d'ovules fécondés, étrangers par rapport à la mère porteuse et la gestation par celle-ci sont permis après accord du Tribunal de première instance exigé avant le transfert des ovules, à partir du moment où il existe un accord écrit. Ce contrat ne peut prévoir aucune contrepartie financière versée par le couple qui souhaite avoir un enfant à la mère porteuse ou à son mari si elle est mariée. L'accord du tribunal est accordé après demande de la femme qui souhaite avoir un enfant si elle prouve son incapacité de gestation et si l'état de santé de la mère porteuse permet la gestation de l'enfant. [4]

L’article 1464[5] du code civil grec, quant à lui, précise le fait que la mère de l’enfant sera la « mère génétique » ou « sociale » de l’enfant et non pas la « mère gestatrice ». Il  précise également que ce lien entre la « mère génétique » et l’enfant peut être mis à mal s’il est prouvé que le matériel génétique provenait de la mère porteuse. La mère porteuse pouvant dans ce cas justifier l’établissement de la filiation en sa faveur. Dans la majorité des cas, la « mère porteuse » est la sœur de la femme qui souhaite avoir un enfant sa mère ou encore une proche amie de cette femme.[6]

La loi 3089/2002 vise à protéger toutes les personnes qui interviennent dans le cadre de ce processus. Cette loi innove en ce qu'elle introduit dans le code civil grec un nouveau titre relatif à l’acceptation ou non des nouvelles méthodes de procréation, entrainant ainsi la prise en compte par le code civil, lors de l'examen de l'établissement de la filiation, de l'impact de l’acceptation de ces méthodes de procréation non naturelles. Par ailleurs, cette loi innove en ce qu'elle accepte la reconnaissance des familles monoparentales, en soutenant que l’acceptation de telles familles ne va pas forcement à l'encontre de l'intérêt de l'enfant. En mettant en avant l'intérêt de l'enfant, le code civil grec accepte des nouvelles formules d'établissement de la filiation, et accorde une importance déterminante au lien qui se tisse entre la/les personne(s) qui souhaite(nt) avoir un enfant et l'enfant, même si la naissance de cet enfant implique le recours à une mère porteuse.

Quelles sont les conditions devant être respectées pour avoir recours au contrat de mère porteuse et quel est l’impact d’un tel contrat sur la filiation de l’enfant issu d’un tel contrat ?

Nous allons dans un premier temps examiner le régime du contrat de mère porteuse mis en place par les lois 3089/2002 et 3305/2005 en analysant les conditions devant être respectées par le couple ou la femme qui souhaite avoir un enfant et celles devant être respectées par la mère porteuse (I) puis, les conséquences de l’acceptation d’un tel contrat notamment quant à l’établissement de la filiation (II).    

I. Le régime du contrat de mère porteuse tel que prévu par les lois 3089/2002 et 3305/2005

Nous examinerons respectivement les conditions devant être respectées par le couple ou la femme souhaitant avoir un enfant (A), puis celles devant être respectées par la mère porteuse (B).

A. Les conditions devant être respectées par le couple ou la femme souhaitant avoir un enfant

La faculté d’avoir recours au contrat de mère porteuse est offerte à un couple (marié ou non) qui souhaite avoir un enfant ou même à une femme seule, si la santé de la femme ne lui permet pas de porter un enfant. Cette possibilité n'est en principe pas offerte aux couples homosexuels ou aux hommes seuls qui souhaitent avoir un enfant. Un arrêt a toutefois accordé à un homme seul le recours à un contrat de mère porteuse. [7] 

Quelles sont les conditions que doivent respecter le couple ou la femme qui souhaite avoir un enfant ?

La mère génétique doit faire une demande auprès du tribunal de première instance pour obtenir son accord. Elle doit prouver son incapacité à donner naissance à un enfant. Elle doit au maximum avoir 50 ans. Elle doit procéder à certains examens médicaux,  permettant de vérifier qu'elle n'est pas séropositive du virus VIH, qu'elle n’est pas atteinte des hépatites B, et  C ni de syphilis. Si la femme qui souhaite avoir recours au contrat de mère porteuse est séropositive du virus VIH, elle a besoin de l’accord de l’Autorité nationale de la procréation médicalement assistée[8]. Dans ce cas le matériel génétique sera celui d’une autre femme. Elle doit résider en Grèce. Le contrat doit préciser clairement qu'il n'y aura pas une contrepartie financière au profit de la mère porteuse.

Examinons alors quelles sont les conditions que doit respecter la « mère porteuse ».

B. les conditions devant être respectées par la « mère porteuse »

La mère porteuse doit prouver son bon état de santé, et elle doit procéder à certains examens médicaux non seulement physiques[9] mais également psychologiques.Elle doit faire des examens médicaux prouvant qu'elle n'est ni séropositive du virus VIH, ni atteinte d'une hépatite ou de syphilis. Comme présenté précédemment un accord doit être souscrit entre les deux femmes confirmant l'absence de contrepartie financière (cela sera examiné plus en détail lors de la deuxième partie dédiée aux conséquences patrimoniales de la souscription d’un contrat de mère porteuse). Elle doit habiter en Grèce comme la « mère génétique » de l’enfant. Il faut noter que la mère porteuse doit donner son accord à ce que les ovules fécondés ne lui appartiennent pas. Avant d'examiner les conséquences d'un tel contrat, il faut préciser l'impact du non-respect des conditions exigées pour le recours à ce contrat.

L’article 26 de la loi 3305/2005 prévoit les sanctions pénales à l’encontre de celui qui ne respecte pas les conditions prévues par la loi. Il prévoit une peine de 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1500 euros. En cas de violation des conditions liées à l’âge, la femme qui ne respecte pas les conditions posées par la loi encoure au maximum un an d’emprisonnement et une amende allant de 10 à 20 milles euros.

Il nous appartient à présent de présenter les conséquences du contrat de mère porteuse.

II. Les conséquences du contrat de mère porteuse

Nous présenterons les effets extrapatrimoniaux (A) puis les effets patrimoniaux (B).

A. Les effets extra patrimoniaux : L'établissement de la filiation

La loi de 2002 redéfinit l’établissement de la filiation, cette dernière n’étant pas seulement liée à des critères biologiques liant l’enfant à sa mère, mais aussi à des critères sociaux, mettant à mal l’adage « mater semper serta est ».

Suivant l’article 1463 du code civil grec, l’établissement de la filiation est la conséquence de la naissance de l’enfant.

L’article 1464 du code civil grec précise qu’en cas de gestation pour autrui prévue par l’article 1458 du code civil grec, la mère de l’enfant est la « mère génétique ». Si la preuve que l’enfant provient biologiquement par la « mère porteuse » est rapportée, il y aura établissement de la filiation à l’égard de cette dernière. Dans ce cas, la mère de l’enfant sera la « mère porteuse », ce lien pouvant être établit même rétroactivement, si besoin est, dès la naissance de l’enfant. 

Si l’on considère un couple marié, suivant l’article 1463, l’établissement de la filiation est la conséquence naturelle du mariage du père avec la femme et la reconnaissance s’établit soit volontairement par le père soit judiciairement. Si le père a donné son accord à la procréation médicalement assistée, aucune action ne peut être exercée pour contester la filiation ainsi établie entre le père et l’enfant.

Si l’on considère le couple non marié, l’article 1475 du code civil grec prévoit que l’accord donné par le père par acte notarial, vaut reconnaissance volontaire.[10]

Si l’on considère la femme non mariée, ayant utilisé le sperme d’un homme inconnu, l’enfant issu du contrat de mère porteuse est un enfant né hors mariage. Si le compagnon de la mère souhaite reconnaître cet enfant, il faut l’accord, par acte notarial, de la mère.

Examinons à présent les effets patrimoniaux du recours au contrat de mère porteuse.

B. Les effets patrimoniaux : absence de rémunération pour la « mère porteuse »

La mère porteuse n’a pas droit à une contrepartie financière.[11] Le remboursement des frais relatifs à l’accomplissement de ce processus n’est pas considéré comme étant une  contrepartie financière. La mère porteuse peut également prétendre à une indemnisation pour les contraintes qu’elle a subi, notamment, en n’assistant pas à son travail.

 


[1] Journal officielle du gouvernement grec A’. 327/23.12.2002

[2] Cette convention a été ratifiée par la Grèce par la loi 2610/1998 et pose les principales règles en matière de technologie génétique.

[3] Journal officiel du gouvernement grec A’. 17/27.01.2005

[4] Traduction de l'article 1458 du code civil grec qui est l’attribut élémentaire des dispositions relatives aux contrats de mère porteuse.

[5] Cet article pose le principe de la filiation socio-sentimentale. Ce principe est expliqué dans l’ouvrage de Kounougeri - Manoledaki « Procréation artificielle et droit de la famille ».

[6] La mère porteuse peut être la mère de la « mère génétique » (Tribunal de première instance de Corinthe 224/2006) ou encore, selon un arrêt de 2005 rendu par le Tribunal de première instance d’Héracleion, la sœur de la « mère génétique ».

[7] Dans un arrêt 2827/2008, le Tribunal de première instance d’Athènes a accordé sa permission pour qu’un homme seul, qui n’était pas apte de donner naissance à un enfant,  puisse avoir recours au contrat de mère porteuse. Il est intéressant de noter que dans ce cas, dans l’acte de naissance de l’enfant, c’est la « mère porteuse » qui est indiquée comme mère de l’enfant.

[8] Cela est prévu par l’article 19 de la loi 3305/2005

[9] L’arrêt du tribunal de première instance d’Héracleion 678/2003 précise la prise en compte d’état de santé de la mère porteuse.

[10] Il faut noter que lorsqu’on examine l’établissement de la filiation à l’égard du père, il est indifférent que l’enfant soit issu de ses gamètes. L’établissement de la filiation à l’égard du père dépend uniquement de la volonté de l’homme à considérer cet enfant comme étant le sien.

[11]Voir par exemple d’arrêt du Tribunal de première instance d’Athènes 4175/2007.