par Claire BUBENDORFF et Raïssa CHEBAT
Le contrat de mère porteuse est le contrat par lequel une femme accepte de porter un enfant pour rendre service à un couple ou à une personne. Lorsque l'enfant est issu d'un des ovules de la mère porteuse on parle de procréation pour autrui, à l'inverse lorsqu'il n'est pas issu d'un des ovules de la mère porteuse, on parle de gestation pour autrui. Ce contrat prévoit que lorsque l’enfant vient au monde, la mère porteuse le remet gratuitement ou contre paiement, au couple ou à la personne qui a eu recourt à ses services.
Le recours au contrat de mère porteuse est un phénomène qui a pris de l’ampleur au cours des dernières années. Il est fort probable que cet engouement pour la gestation pour autrui soit en partie dû à la dernière réforme québécoise du droit familial en 2002 reconnaissant aux couples homosexuels le droit à la parentalité ainsi que la reconnaissance d'un « droit à l’enfant ».
Les lois au Canada concernant les techniques de reproduction artificielle, le don de sperme et les droits homoparentaux, sont parmi les plus avancées au monde. Concernant la gestation pour autrui ou encore le contrat dits « de mère porteuse » on parle de « législations canadiennes », puisque le Canada étant un état fédéral, il contient de nombreuses lois issues de la loi Fédérale ou des Etats Fédérés. Dans le cadre de ces contrats, la filiation et l'accès à l'adoption pour les couples de même sexe ne sont pas harmonisées et varient d'une Province à l'autre. Il convient alors de se demander comment le droit Québécois appréhende le contrat de mère porteuse ?
Concernant le Quebec, nous pouvons de suite mettre en avant le paradoxe entre ce « droit à l'enfant » aux couples de mêmes sexes et la prohibition par le Québec de la gestation pour autrui. Etudions dans un premier temps cette législation prohibitive en matière de contrat de mères porteuses (I), avant d'étudier dans un second temps la réception par le Quebec des contrats conclus à l'étranger (II).
Comme nous l'avons rapidement soulevé en introduction, les législations varient selon les Provinces du Canada. Au niveau fédéral, le Parlement a voté une loi en 2004 sur la procréation assistée. Dans son article 12 cette loi édicte qu'il « est interdit de rembourser les frais supportés par une mère porteuse ». Or, en règlementant tout éventuel « remboursement de frais » supportés par la mère porteuse pour agir à ce titre, l’article 12 de cette loi semble entrer en contradiction avec le droit civil québécois. Dans son article 541 ce dernier prévoit que « toute convention par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue ». Dans sa jurisprudence récente rendue en 2010, la Cour Suprême a eu l'occasion de se prononcer sur la compatibilité entre les deux lois, confirmant la validité constitutionnelle de l’article 12 de la loi fédérale, le rattachant à la compétence exclusive du Parlement canadien en droit criminel1. Ainsi, le code civil Québécois n'est pas en péril. En effet, l'article 12 de la loi fédérale ne peut être interprété comme autorisant implicitement une pratique telle que la conclusion d'un contrat de mère porteuse. Il a simplement pour objectif d'interdire une activité, en l'occurrence le remboursement des frais supportés par une mère porteuse. Du fait de cette nullité des « contrats de mères porteuses », le Code civil Québécois est simplement plus sévère que la loi fédérale.
Quoiqu'il en soit, la maternité de substitution au Québec n'est pas considérée comme un acte criminel, mais comme un acte illégal. Cette nuance est importante dans la mesure où les tribunaux n’imposeront aucune sanction répressive, mais exprimeront passivement leur désapprobation, en refusant de cautionner un tel contrat. Ces considérations conduisent à un vide juridique volontairement adopté par le législateur québécois afin de décourager les couples d’avoir recours à ce mode de procréation, impliquant une impossible exécution forcée, et trouve leur justification dans plusieurs motifs.
Au Québec, les contrats de mère porteuse, qu’ils soient conclus à titre onéreux ou gratuit, sont contraires à l’ordre public et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cette sanction repose sur la contradiction avec l'ordre public de la marchandisation, à la fois du corps de la femme, ou du corps de l'enfant lui-même. En effet, le contrat de mère porteuse se fait généralement en l’échange d’une rétribution monétaire. Le corps de la mère porteuse sera à la disposition du couple pour le temps d’une grossesse. La femme pourra ainsi, de par la seule capacité physique qu’elle a d’enfanter, « louer » son corps. Cette problématique vise particulièrement les femmes en difficultés financières. Le couple pourrait exercer un certain contrôle sur le corps de la femme (alimentation, exercice, habitudes de vies), et du point de vue financier, ce recours serait exclusivement à la disposition des couples nantis, puisqu'ils nécessitent de payer très chèrement la femme et l'enfant. Parallèlement à cela, l’enfant se verrait attribuer une valeur monétaire, considéré alors comme une « chose » commerciale, ce qui n'est pas envisageable au regard de l'ordre public Québécois. Ce vide juridique a malgré tout de nombreuses conséquences.
Cette illégalité implique un certain nombre de conséquences néfastes sur les différents protagonistes d'une telle convention. Tout d'abord aux yeux de la loi, c’est la mère porteuse qui sera la mère de l’enfant. La filiation dépendra donc de la décision de la mère porteuse après la naissance de l'enfant. Si celle-ci accepte de renoncer à ses droits en tant que mère, le couple commanditaire pourrait adopter conjointement l'enfant. Néanmoins, même si la mère porteuse décidait de renoncer à ses droits en abandonnant l'enfant, les parents commanditaires n'auraient pas l'assurance de pouvoir l'adopter. En effet des tribunaux ont déjà refusé dans cette hypothèse l'adoption par les parents commanditaires. A défaut, la prohibition des mères porteuses ne serait pas effective. Tentant de concilier l'intérêt de l'enfant avec la prohibition des mères porteuses, la Cour du Quebec a décidé, dans un récent arrêt, d'annuler le contrat de mère porteuse. Elle a reconnu le seul père comme parent biologique de l'enfant, la conjointe de ce dernier se voyant priver de tous les droits (tel que consentir à des soins, de bénéficier d'un éventuel droit de visite, etc.). S'ajoute à cela une condition puisque le code civil prévoit que l'adoption est permise uniquement lorsqu'elle respecte l’intérêt de l'enfant. Ces conditions comprennent évidemment le contexte particulier du contrat de mère porteuse puisqu'autoriser l’adoption dans de telles circonstances légaliserait indirectement un contrat autrement interdit.
A coté de cette jurisprudence sévère, quelques autres hypothèses cauchemardesques doivent évidemment être mises en avant et méritent d'être prises en compte. En raison de la nullité d'une telle convention, un couple pourrait payer une mère porteuse pour porter un enfant, celle-ci prenant l'initiative après paiement des honoraires de se faire avorter « fraudant » ainsi le couple de plusieurs milliers de dollars sans même que ce couple ne puisse intenter d'action en justice à l'encontre de cette femme. Dans un scénario inverse, la mère commanditaire pourrait tomber miraculeusement enceinte durant la grossesse de la mère porteuse et ne plus souhaiter adopter l'enfant porté par la mère porteuse, lui laissant à sa charge un enfant dont elle n'avait pas envisagé la venue et les conséquences. Enfin pour éviter de faire un récapitulatif des scénarios les plus lugubres, comprenant entre autre l'initiative de la mère porteuse d’extorquer le couple et leur faire du chantage, il serait tout simplement envisageable qu'une mère porteuse décide par amour et sans mauvaise foi, de garder l’enfant suite à la grossesse, entraînant des répercussions dramatiques tant pour elle-même, que pour le couple signataire de la convention.
Suite à ces réflexions, on ne peut en venir qu’au seul constat que la situation juridique actuelle au Québec est délicate. Malgré la désapprobation claire du législateur, il est évident que les contrats de mère porteuse continueront d’exister et de se conclure. Face à ce vide juridique, il conviendrait peut être de faire primer l’intérêt de l’enfant en lui permettant d’avoir une filiation maternelle plutôt que cantonner son attention à la transaction illégale des parties. Bien que les contrats de mère porteuses soient prohibées au Québec , d'autres régions du Canada retiennent une solution différente.
Le canada est un Etat fédéral qui compte plusieurs régions fédérée qui peuvent avoir une différence de législation . Il en est ainsi de la législation sur la gestation pour autrui. La loi fédérale du canada interdit de manière claire et précise, le contrat de mère porteuse à titre onéreux . La loi balise les pratiques inhérentes à la procréation assistée, notamment en interdisant, à l’article 6, la « rétribution de la mère porteuse ». L’article 6 a pour effet de criminaliser les contrats de mère porteuse à titre onéreux.
Si certaines régions reconnaissent le contrat de mère porteuse et l’encadrent légalement, ces régions exigent une condition fondamentale : les contrats doivent impérativement rester à titre gratuit et il est strictement interdit de conclure des contrats a titre onéreux pour éviter toute forme de dérive, tel que la commercialisation du corps de la femme par exemple. Prenons quelques exemples de législation à travers les régions .
En Alberta , une loi de 2003 relative au droit de la famille en général, prévoit que de tels contrats de mère porteuse ne sont pas exécutoires. C’est par une décision de justice que l’on peut donc reconnaitre la mère générique comme mère légale de l’enfant , lorsque celle ci est différente de celle qui a mise l’enfant au monde. Cette manoeuvre ne pourra être possible qu’avec la permission de la mère qui a mis l’enfant au monde. En Nouvelle Ecosse, le juge peut établir le lien de filiation de l’enfant à l’égard de ses parents intentionnels si un accord entre la mère porteuse et le couple a été signé avant la conception et qu’au moins l’un des 2 parents est le géniteur de l’enfant. Dans les autres provinces, il n’y a pas de législation particulière concernant le contrat de mères porteuses à titre gratuit. En ce qui concerne la filiation de l’enfant, les lois fédérales ont tendance à davantage favoriser la mère porteuse elle-même.
Bien que le Québec prohibe le contrat de mère porteuse, quelques régions dans le Canada accueillent ce contrat . Ces pratiques devraient pousser le Québec à revoir sa législation qui est difficilement tenable au regard de ses voisins. La question est délicate et les intérêts en présence sont nombreux : l’intérêt de l’enfant , la protection de la mère porteuse, le « droit à l’enfant», l’égalité des couples incapables de procréer sans l’aide de la médecine et bien d’autres. La question est loin d’être réglée et fera probablement surface dans l’horizon juridique à venir. Il nous apparaît d’autant plus important de se pencher sur celle-ci du fait que la législation actuelle semble, à première vue, prêter flanc aux attaques constitutionnelles : la prohibition des contrats de mère porteuse brime-t-elle le droit à l’égalité des couples incapables de procréer naturellement, en ce sens qu’ils ne peuvent avoir d’enfants biologiques?
BIBLIOGRAPHIE :
• http://www.educaloi.qc.ca/capsules/la-procreation-assistee
• Le contrat de mère porteuse, Chronique juridique rédigée par Janie L’Écuyer, étudiante en droit
• http://www.pigeondissident.com/societe/les-meres-porteuses-degalite/
• JEAN LECLAIR L'auteur est professeur de droit constitutionnel à l'Université de Montréal.
• http://revuejuridique.com/index.php? option=com_content&view=article&id=63&Itemid=60&lang=fr#_edn3
• http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/generale/filiation.htm#assistee www.ahrc-pac.gc.ca/v2/patients/outside-exterieur-fra.php
• http://www.co-parents.fr/legislation-don-sperme-au-canada.php
• L.LANGEVIN, « entre la non reconnaissance et la protection : la situation juridique de l’embryon et du foetus au Canada et au Québec », RIDC, revue internationale de droit comparé, 2004