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Royaume-Uni

Les contrats de mère porteuse au Royaume Uni

par Anissa Beckar et Emilie Thomas

 

Au Royaume-Uni, Kim Cotton est un nom célèbre en matière de gestation pour autrui (GPA). En effet, cette jeune anglaise, recrutée par une agence américaine en 1985 pour devenir mère de substitution, a donné naissance à « Baby Cotton », conçu par insémination artificielle, et a, par ce fait, ému le Royaume-Uni tout entier, poussant finalement le Parlement britannique à adopter une loi cette même année, relative à la maternité de substitution.
Ainsi, le Surrogacy Arrangements Act en date du 16 juillet 1985 a autorisé la conclusion des contrats de mère porteuse au Royaume-Uni ou à l'étranger, sauf lorsqu'ils sont prévus à but lucratif. Ces contrats, conclus avant le début de la grossesse, ont pour objet la remise de l'enfant porté par la mère de substitution, à une ou plusieurs autres personnes vouées à exercer l'autorité parentale et appelées « commanditaires ».
S'il est prévu expressément que le nom de la mère légale, c'est-à-dire celle qui a porté l'enfant et en a accouché, doit figurer dans l'acte de naissance du nouveau-né, la loi du 1er novembre 1990 intitulée Human Fertilisation and Embryology Act, révisée en 2008, prévoit la possibilité de modifier cet acte sous conditions, afin d'y faire figurer le nom des commanditaires.

Le Royaume-Uni a donc pris le parti d'autoriser les contrats de mère porteuse depuis 1985, mais reste à savoir ce qu'une telle position implique. Puisqu'il est question d'un véritable contrat tel que défini par le droit civil, la conclusion d'une convention de GPA (I) entraîne nécessairement des effets juridiques (II).

I. Conclusion d'un contrat de mère porteuse

De telles conventions ne sont autorisées au Royaume-Uni, que si elles réunissent certaines conditions générales (A), un contrôle supplémentaire pouvant être par ailleurs exercé en cas de fécondation in vitro (B).

A. Conditions générales

Complétée en 1990, la loi de 1985 encadre strictement la GPA, quoique la réforme de 2008 ait opéré un assouplissement en l'ouvrant aux partenaires civils et aux concubins, en plus des couples mariés. Afin d'être valable et dans le but de permettre plus facilement par la suite la reconnaissance de l'enfant par les commanditaires, la convention de GPA doit remplir plusieurs conditions :
    •    comme tout contrat, pour être valable, elle doit recueillir le consentement libre et éclairé de chaque  partie, tout particulièrement celui de la mère de substitution ;
    •    sur un plan génétique, l'enfant doit être au moins celui de l'un des deux membres du couple commanditaire ;
    •    les membres de ce couple doivent avoir chacun 18 ans révolus ;
    •    l'un des deux membres du couple au moins doit être domicilié au Royaume-Uni ;
    •    les commanditaires ne doivent pas avoir rémunéré la mère de substitution, mais une forme d'indemnisation est tout de même prévue et tolérée par le juge dans une certaine limite.
    Comme il l'a été évoqué au préalable, l'ensemble de ces conditions ainsi que quelques autres réunies à l'issue de l'accouchement, permettent au couple commanditaire de saisir le juge afin d'être désigné comme parents d'un point de vue légal. Il est à noter cependant que la mère de substitution a toujours la faculté de revenir sur sa décision en émettant le souhait de garder l'enfant, or, dans la mesure où la loi de 1985 précise que les conventions de GPA ne sont pas exécutoires, les commanditaires ne disposent d'aucun recours dans une telle hypothèse.

B. Spécificités des fécondations in vitro

Outre les conditions préalablement énoncées, des modalités supplémentaires viennent se greffer en cas de GPA par fécondation in vitro. Ces dernières ne pouvant être réalisées que dans des établissements spécialement habilités à cet effet par la Human Fertilisation and Embryology Authority, autorité indépendante de contrôle instituée par la loi de 1990, une procédure spécifique à été effectivement mise en place. Ainsi, le comité d'éthique de ces établissements examine chaque cas d'espèce afin de vérifier la présence des critères permettant le recours à la GPA par le biais d'une fécondation in vitro.

Quoique les exigences soient propres à chaque établissement, en pratique, des similitudes apparaissent : le comité s'assure notamment que la GPA est justifiée sur un plan médical, que les différents intéressés au processus ont été informés et que ceux-ci remplissent certains critères. A ce titre et d'une façon générale, la mère de substitution doit déjà avoir accouché auparavant et avoir moins de 35 ans, limite d'âge également imposée à la mère commanditaire par ailleurs.

Dans la mesure où les conditions susnommées sont réunies, la convention de GPA est valable : dès lors, elle peut produire ses effets.

II. Effets du contrat de mère porteuse

Le contrat de mère porteuse britannique produit deux types d’effets, patrimoniaux (A) comme extrapatrimoniaux (B).

A. Les effets extrapatrimoniaux

S’agissant des effets extrapatrimoniaux de la convention de mère porteuse, se pose la question de la modification de la filiation de l’enfant né de la gestation pour autrui. Les modalités varient selon que la mère porteuse donne son accord en ce sens ou non, sachant que la loi britannique dispose qu’elle demeure la mère légale de l’enfant après sa naissance1.

Premièrement, la filiation de l’enfant issu d’une gestation pour autrui peut être modifiée par le biais d’une décision judiciaire. Les conditions sont cependant strictes et nombreuses : le couple commanditaire doit notamment être marié et l’enfant doit être génétiquement celui d’au moins un des deux membres du couple. Les parents d’intention doivent demander au tribunal compétent de rendre une décision les reconnaissant comme parents. La requête à cet effet est introduite après la naissance de l’enfant, sachant que la mère porteuse ne peut donner son consentement en ce sens dans les six premières semaines qui suivent la naissance2. Le juge vérifie l’absence d’échange occulte et statue en fonction des intérêts de l’enfant. Pour le cas où ces conditions seraient réunies, le juge rend une décision de « parental order ». En cas d’accord de la mère porteuse, l’acte de naissance primitif est annulé et un nouvel acte est établi en conséquence. Le nouvel acte indiquera pour mère légale la mère d’intention, sachant que son mari est présumé être le père d’intention de l’enfant.

Deuxièmement, lorsque les diverses conditions précitées ne sont pas remplies, les parents commanditaires doivent demander l’adoption ou l’attribution de l’autorité parentale. La convention de gestation pour autrui n’est cependant pas exécutoire: ainsi, pour le cas où c’est le consentement de la gestatrice qui ferait défaut, l’adoption ne sera accordée aux commanditaires que si ce refus est contraire à l’intérêt de l’enfant.

B. Les effets patrimoniaux

S’agissant des effets patrimoniaux de la convention de mère porteuse, se pose la question de savoir si au Royaume Uni, la conclusion de cette convention peut donner lieu à une indemnisation, voire à une rémunération de la mère porteuse.

S’agissant de la rémunération à proprement parler de la mère porteuse, la loi britannique est des plus claires. La loi de 1985 dispose en effet que la rémunération de la mère porteuse est illégale. Cette première loi interdisait en outre aux intermédiaires de recevoir une quelconque rémunération ainsi que de faire de la publicité. Cela se justifiait par le fait que les agences spécialisées dans la mise en relation des parents commanditaires et des mères de substitution ne pouvaient avoir de but lucratif.Ce dernier aspect de la loi sur la gestation pour autrui a cependant fait l’objet d’une récente modification. Le Parlement a en effet adopté une nouvelle loi en 2008 relative à la révision de la loi de 1990 sur l'assistance médicale à la procréation. Ce texte a prévu notamment d'assouplir les dispositions applicables à la gestation pour autrui : les agences spécialisées peuvent ainsi désormais recevoir de l'argent en contrepartie de certaines prestations et faire de la publicité, et ce tout en conservant leur vocation d'établissement non lucratif.

Si la rémunération de la mère porteuse demeure illégale au Royaume Uni, il en va différemment de son indemnisation. En effet, la loi elle-même prévoit que si la rémunération de la mère porteuse est interdite, le remboursement « raisonnable » des frais engagés par celle-ci pour mener à bien la grossesse est toutefois admis. En règle générale, les tribunaux acceptent le versement d’une somme comprise entre 7 000 et 15 000 £, c’est-à-dire entre 5 000 et 10 000 € 3.

1. Surrogacy Arrangements Act 1985
2.La gestation pour autrui: réflexions avant la révision des lois bioéthiques, Les Petites affiches, 01 septembre 2010, n°174, p.3.
3. La gestation pour autrui, Documents de travail du Sénat (Série Législation comparée), n° LC 182, janvier 2008
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Bibliographie

    Articles :

- Chaltiel, F., « La gestation pour autrui : Réflexions avant la révision des lois bioéthiques », Petites affiches, 1 septembre 2010, n°174, p.3.

- Granet-lambrechts, F,  « Maternité de substitution, filiation et état civil. Panorama européen », Droit de la Famille, décembre 2007, n°12, étude 34.

    Rapport :

- Sénat, « Les documents de travail du Sénat - Série Législation comparée : La gestation pour autrui » [en ligne], janvier 2008, n°LC 182, p.27. Disponible sur : www.senat.fr/lc/lc182/lc182.pdf