Conclusion

Cette étude de la pratique alsacienne révèle un paradoxe étonnant : alors que l’utilisation par la médecine des dispositifs médicaux va croissant et que, parallèlement, les victimes d’un geste médical fautif ou d’un aléa thérapeutique n’hésitent plus à saisir les tribunaux, le contentieux relatif aux prothèses cardio-vasculaires semble pratiquement inexistant. L’on pourrait arguer du fait qu’il est très certainement réglé en amont par transaction entre les assureurs et les victimes. Toutefois, il convient de signaler que le représentant local de la SHAM, M. CLAPHAM, n’a pas connaissance de telles négociations relativement à un litige portant sur l’utilisation de prothèses cardio-vasculaires. Nous pouvons alors tirer deux enseignements de nos propos : tout d’abord, les prothèses cardio-vasculaires présentent une garantie certaine en termes de qualité et de sécurité[234]. Les autorisations de mise sur le marché associées à la matériovigilance apparaissent comme des garanties efficaces de prévention des risques. Il s’agit alors d’engager les personnels médicaux, utilisateurs de ces prothèses à se conformer à une réglementation qui fait la preuve de sa pertinence. Cela n’empêche pas de louer et de promouvoir la démarche du Professeur CHAKFÉ, qui sous l’égide de GEPROVAS, refuse de se reposer sur la législation existante et cherche encore à progresser dans ce domaine. Ensuite, il est très certainement des cas dans lesquels les victimes se refusent à agir contre les médecins ou contre les fabricants de ces dispositifs s’estimant correctement informées des risques avant l’opération d’implantation[235]. Le dialogue et le contact humain restent ainsi le meilleur moyen, non seulement de réduire les risques de mise en danger d’un patient, mais aussi de le responsabiliser en cas d’accident. Cependant nous pouvons aussi craindre l’existence d’un chiffre noir important. Nous avons en effet pu constater que l’identité et le rôle du contact local de matériovigilance était peu ou mal connu du personnel soignant. En outre, nous avons pu relever que les incidents n’étaient pas toujours communiqués à l’AFSSAPS qui se trouve alors dans l’impossibilité de mener les expertises requises. Seraient-ce des portes ouvertes à des incidents non déclarés et dont nous n’avons ainsi pas la connaissance ?

Du point de vue de l’application du droit, le constat est plus mitigé. Si la législation traditionnelle fondée sur la recherche d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité est parfaitement mise en œuvre, la détermination du responsable d’un produit défectueux, définie par le droit communautaire, pose problème. Les juridictions françaises doivent tirer les enseignements de l’interprétation qui est donnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes au texte de la Directive du 25 juillet 1985 mal transposée par la loi française du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Le législateur vient d’amender l’article 1386-7 du Code civil qui met désormais le droit français en conformité avec le droit communautaire en disposant que « si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu’il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée ». Il est ainsi clairement expliqué que cet article n’a vocation à s’appliquer que si l’identité du producteur est inconnue. Conformément au droit communautaire, la responsabilité civile du producteur est donc principale, la responsabilité du fournisseur (ou assimilés, voir les dispositions de l’article) n’étant que subsidiaire[236].