LA LOI DU 13 NOVEMBRE 2007 RELATIVE A LA LUTTE
CONTRE LA CORRUPTION : QUELLES AVANCEES DU DROIT FRANÇAIS PAR RAPPORT AUX
EXIGENCES DU DROIT INTERNATIONAL ?
par
Juliette Lelieur, maître de conférences à
l’Université de Rouen
La loi n° 2007-1598 du 13 novembre
-
-
- le Protocole additionnel à
-
Avant cette réforme, l’importante loi n° 2000-595 du
30 juin 2000 avait déjà assuré la transposition de deux premières conventions
internationales s’attaquant à la corruption : d’une part,
Pour bien comprendre l’enjeu de ces conventions,
il faut avoir présente à l’esprit la différence fondamentale qui distingue la
lutte contre la corruption nationale de
la lutte contre la corruption transnationale.
Par l’incrimination de corruption nationale, un Etat entend protéger
l’intégrité de ses agents publics et veiller
au maintien d’une concurrence économique saine sur son territoire. En matière de corruption transnationale, les
réalités sont tout autres. L’intégrité des agents publics étrangers n’est pas nécessairement le souci premier des Etats
exportateurs ou/et investisseurs à l’étranger. Quant
au maintien d’une concurrence saine sur les marchés internationaux, il a des
avantages incontestables comme celui de permettre un développement
économique juste et durable au niveau mondial ; mais il faut pour cela que
les droits nationaux des pays exportateurs et investisseurs à l’étranger exercent
la même sévérité face au phénomène corrupteur, en particulier vis-à-vis de
leurs entreprises nationales agissant sur les marchés internationaux. Si par
exemple un seul Etat exportateur incrimine la corruption d’agents publics
étrangers, comme c’était le cas des Etats-Unis dès 1977[7], les
entreprises de ce pays risquent de perdre des marchés contre leurs rivales
étrangères qui, elles, restent libres de verser des pots-de-vin au regard de
leur législation nationale. D’où l’intérêt d’une convention internationale, qui
enjoint les Etats signataires de combattre la corruption simultanément et à efficacité
égale[8]. En
France, l’incrimination de la corruption transnationale a vu le jour grâce à la
transposition des deux conventions de 1997 par la loi du 30 juin 2000.
Quelques années plus tard, la loi n° 2005-750 du 4
juillet 2005 – de portée plus modeste que celle du 30 juin 2000 – a étendu la
répression à la corruption d’agents non publics, ainsi que le requiert des
Etats membres de l’Union européenne la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative
à la corruption dans le secteur privé. Ont ainsi été adoptés les articles 445-1
à 445-4 du code pénal.
En 2007, une nouvelle réforme législative
s’imposait pour introduire les prescriptions des quatre nouveaux accords dans
la législation française, en particulier celles de
On recense, grosso
modo, six grandes nouveautés :
- premièrement, par rapport à
- deuxièmement, toujours par rapport à
- troisièmement, en ce qui concerne
les agents publics d’organisations internationales, l’incrimination de
- quatrièmement,
- cinquièmement, le droit
international se préoccupe désormais de l’efficacité des enquêtes en matière de
corruption.
- enfin, sixièmement,
En transposant une bonne part des stipulations
nouvelles, la loi du 13 novembre 2007 permet au droit français de réaliser des progrès contre la corruption, que nous
analyserons dans la première partie de cette intervention (I). Mais la
réforme présente également des lacunes,
qui feront l’objet du second temps de l’étude (II).
I.
Les progrès
réalisés par
La
loi du 13 novembre 2007 ajoute une série de nouvelles infractions au code pénal
français (A). Par ailleurs, elle procède à certaines adaptations de la
législation existante en dehors du domaine du droit pénal de fond (B).
A.
La création de nouvelles infractions
L’état
du droit français avant la réforme du 13 novembre 2007 peut être présenté à
l’aide d’un tableau[9] recensant les incriminations
des différentes formes de corruption et de trafic d’influence[10]. Il
apparaît ainsi que les lacunes essentielles se situent du côté du
trafic d’influence, qui n’est réprimé que lorsque l’influence réelle ou supposée
est exercée sur un membre d’une autorité ou d’une administration publique
française. Mais l’on constate également que la corruption passive d’agents
publics étrangers autres que ceux de l’Union européenne n’est pas incriminée.
La loi du 13 novembre 2007 introduit plusieurs
nouvelles infractions pour l’aspect actif comme pour l’aspect passif de la
corruption et du trafic d’influence[11]. Du
côté actif, trois incriminations voient le jour : le trafic actif
d’influence sur les agents publics des organisations internationales (nouvel article
435-4 du code pénal, ci-après « CP ») ; le trafic actif
d’influence sur les agents d’une juridiction internationale (nouvel article
435-10 CP) ; enfin, dans le but d’aligner la répression de l’influence
illicite pratiquée envers les agents de justice nationaux sur celle qui
s’exerce sur les agents de justice internationaux, un nouvel article 434-9-1 CP
introduit le trafic actif d’influence sur les agents de justice français. Conformément
aux prescriptions du protocole additionnel à
L’utilité des nouvelles incriminations situées
du côté passif mérite d’être interrogée. L’Etat français a-t-il vraiment
l’intention de poursuivre et de réprimer les agents publics étrangers
corrompus, ainsi que les trafiquants exerçant leur influence sur des agents publics
étrangers ? Il serait sans doute naïf de le croire, tant au regard des difficultés
diplomatiques que de telles actions répressives pourraient poser que des
obstacles aux poursuites créés par la protection –immunitaire notamment – qu’assurent
les Etats à leurs agents publics contre les poursuites judiciaires étrangères. En
revanche, l’incrimination de ces comportements est extrêmement utile en matière
d’entraide judiciaire internationale. Elle permet en effet de satisfaire à
l’exigence de double incrimination qui, mis à part pour le mandat d’arrêt
européen à propos de certaines infractions, est indispensable à l’octroi de
toute mesure d’entraide judiciaire aux autorités étrangères qui la requièrent.
Ainsi, les autorités françaises seront désormais en mesure d’accorder
l’entraide judiciaire aux Etats désireux de sanctionner leurs agents publics
corrompus – par des corrupteurs français notamment.
Par
ailleurs, deux autres nouvelles incriminations inspirées de l’article 25 de
avant
|
|
Corruption |
Trafic d’influence |
Actif |
Sur un agent public français (corruption) Sur une autorité ou une administration publique
française (trafic d’influence) |
Art. 433-1 (al. 1, 1° : fait de proposer ; al.
2 : fait de céder à une sollicitation) |
Influence exercée par un agent public :
Art. 433-1 (al. 1, 2° : fait de proposer ; al.
2 : fait de céder à une sollicitation)
|
Influence exercée par quiconque : Art. 433-2, al. 2 |
|||
Sur un agent de justice français |
Art. 434-9 al. 2 |
|
|
Sur un fonctionnaire de l’UE ou d’un Etat membre
de l’UE |
Art. 435-2 |
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Sur un agent public étranger ou international |
Art. 435-3
|
|
Sur un agent de justice étranger ou
international |
Art. 435-4 |
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Sur un particulier |
Art. 445-1 |
|
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Passif |
Par un agent public français (corruption) Par une autorité ou une administration publique
française (trafic d’influence) |
Art. 432-11, 1° |
Influence exercée par un agent public :
Art. 432-11, 2° |
Influence exercée par quiconque : Art 433-2, al. 1 |
|||
Par un agent de justice français |
Art. 434-9 al. 1 |
|
|
Par un fonctionnaire de l’UE ou d’un Etat membre
de l’UE |
Art. 435-1 |
|
|
Par un agent public étranger ou international |
|
|
|
Par un agent de justice étranger ou
international |
|
|
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Par un particulier |
Art. 445-2 |
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depuis
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Corruption |
Trafic
d’influence |
Actif |
Sur un agent public français (corruption) Sur une autorité ou une administration publique
française (trafic d’influence) |
Art. 433-1 |
Influence exercée par agent un public :
Art. 433-1 |
Influence exercée par quiconque : Art. 433-2, al. 2 |
|||
Sur un agent de justice français |
Art. 434-9 al. 2 |
Art. 434-9-1 |
|
Sur un agent public de l’UE ou d’un Etat membre
de l’UE |
Art. 435-3 (ex- art. 435-2) (suppression de la
distinction entre les Etats étrangers de l’UE et les autres Etats étrangers) |
Sur les agents publics internationaux uniquement : Art. 435-4 |
|
|
Sur un agent public étranger ou international |
|
|
Sur un agent de justice étranger ou
international |
Art. 435-9 (ex- art. 435-4) |
Sur les agents d’une cour internationale
uniquement : Art. 435-10 |
|
Sur un particulier |
Art. 445-1 |
|
|
Passif |
Par un agent public français (corruption) Par une autorité ou une administration publique
française (trafic d’influence) |
Art. 432-11, 1° |
Influence exercée par un agent public :
Art. 432-11, 2° |
Influence exercée par quiconque : Art 433-2, al. 1 |
|||
Par un agent de justice français |
Art. 434-9 al. 1 |
|
|
Par un fonctionnaire de l’UE ou d’un Etat membre
de l’UE |
Art. 435-1 |
|
|
|
Par un agent public étranger ou international |
Art. 435-1 (suppression de la
distinction entre les Etats étrangers de l’UE et les autres Etats étrangers) |
Sur les agents publics internationaux uniquement Art. 435-2 |
Par un agent de justice étranger ou
international |
Art. 435-7 |
Sur les agents d’une cour internationale
uniquement : Art. 435-8 |
|
Par un particulier |
Art. 445-2 |
|
B.
L’adaptation du droit existant
La loi du 13 novembre 2007
apporte au code pénal une multitude de petites modifications destinées à améliorer
la qualité rédactionnelle des incriminations existantes, mais n’emportant pas
de changement décisif[14]. De
manière sélective, notre attention portera sur trois catégories d’innovations extérieures
au code pénal, dont la première concerne le code de procédure pénale, la
deuxième le code général des collectivités territoriales et la troisième le
code du travail.
Le
code de procédure pénale (ci-après « CPP ») est d’abord amendé dans son
chapitre relatif aux techniques spéciales d’enquêtes en matière de criminalité
et délinquance organisées. Un nouvel article 706-1-3 prévoit que les
dispositions sur la surveillance et l’infiltration (articles 706-80 à 706-87
CPP), les interceptions de correspondances émises par la voie des
télécommunications et les sonorisations et fixations d’images de certains lieux
ou véhicules (articles 706-95 à 706-103 CPP), sont désormais applicables aux
délits de corruption. S’il est vrai que le critère d’application retenu par le
législateur pour l’application de ces mesures lors de leur création par la loi
du 9 mars 2004, la criminalité ou délinquance « organisée »,
n’englobe pas a fortiori la
corruption[15], il faut prendre en
considération deux réalités de la pratique. Premièrement, les grosses
affaires de corruption en matière commerciale – transnationale ou non –
dépendent souvent d’une organisation certaine[16].
Deuxièmement, l’enquête de corruption, infraction occulte par excellence, reste
extrêmement difficile à mener[17] ;
or, les mesures d’enquête dont il est question peuvent contribuer à remédier à
cette situation. Du reste, le caractère occulte de la criminalité n’est-il pas mieux
à même de justifier le recours à des techniques spéciales d’enquête que le
critère de l’organisation ?
Le recours aux nouvelles techniques d’enquête
n’est pas la seule adaptation du code de procédure pénale. Celui-ci est
également modifié en son article 689-8, de sorte que le champ d’application de
la compétence universelle des tribunaux français est étendu aux nouvelles
infractions de la loi du 13 novembre 2007. Toutefois, l’extension ne concerne
que les infractions de corruption, le trafic d’influence et les entraves au bon
fonctionnement de la justice demeurant exclus. De plus, la liste des personnes
pouvant être jugées en France au titre de la compétence universelle n’est pas
allongée. Il en résulte que restent à l’abri des poursuites fondées sur ce chef
de compétence, pour la corruption passive, les agents publics non français autres
que les fonctionnaires des Communautés européennes (art. 689-8, 1° et 2° CPP).
Pour ce qui est de la corruption active, sont préservées de la compétence
universelle des tribunaux français les personnes de nationalité étrangère sauf dans
l’hypothèse particulière où elles appartiennent à la fonction publique
française (art. 689-8, 2° CPP), ou si – hypothèse plus probable – elles ont
commis l’infraction à l’encontre d’un ressortissant français (art. 689-8, 3°)[18].
Enfin, toujours en matière procédurale, la loi du
13 novembre 2007 simplifie la répartition des compétences entre les
juridictions françaises. L’article 704 CPP, qui prévoit la compétence des
juridictions spécialisées dans le ressort de chaque cour d’appel pour la
corruption des fonctionnaires et membres des Communautés européennes ainsi que
des fonctionnaires des Etats membres de l’Union européenne – compétence
concurrente par rapport à la compétence de base résultant des articles 43, 52
et 383 CPP –, n’est plus applicable à ces infractions. En contrepartie, la
compétence des juridictions de Paris résultant de l’article 706-1 CPP vise
désormais toutes les infractions de
corruption et de trafic d’influence transnationales (articles 435-1 à 435-10 CP
selon les termes de la loi de 2007). Il faut voir dans cette rationalisation
des compétences un progrès, les juridictions parisiennes étant plus
expérimentées pour traiter des affaires financières internationales complexes.
En
ce qui concerne le code général des collectivités territoriales, l’application
de l’article L. 1414-4 qui exclut les personnes condamnées définitivement à
certaines infractions de la possibilité de soumissionner à un contrat de
partenariat, est élargie à toutes les nouvelles infractions de corruption
active et trafic actif d’influence introduites par la loi du 13 novembre 2007[19]. Cette
mesure pouvant avoir un impact très dissuasif, elle ne doit pas être négligée.
Quant
au code du travail, il confère dans un titre VI relatif à la corruption, créé pour
l’occasion au sein de son livre préliminaire, une protection nouvelle aux
personnes ayant relaté de bonne foi soit à leur employeur, soit aux autorités
judiciaires ou administratives, des faits de corruption dont elles ont eu
connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. L’article L. 1161-1 du
code du travail introduit ainsi en droit français les prescriptions de
l’article 9 de
Ce nouveau mécanisme protecteur vient renforcer
les dispositifs d’alerte professionnelle d’inspiration nord-américaine mis en
place dans certaines entreprises pour faciliter les dénonciations anonymes. Il
n’ouvre pas la porte à la délation, puisque seules les dénonciations de bonne
foi donnent lieu à la protection du nouvel article L. 1161-1 du code du travail.
Il apporte ainsi une réponse aux inquiétudes du Groupe de travail de l’OCDE
contre la corruption qui, au regard du faible nombre de dénonciations par des
salariés des entreprises françaises en matière de corruption et autres délits
de la vie des affaires, avait recommandé à
Les progrès apportés
par la loi du 13 novembre 2007 sont donc réels. Pour autant, la réforme n’est
pas exempte de lacunes.
II.
Les lacunes
de
Une
partie des lacunes de la réforme tient au défaut de transposition de certaines
stipulations des nouveaux accords liant
A.
Les
stipulations internationales non transposées
Contrairement au trafic d’influence commis sur l’agent
d’une organisation internationale publique ou d’une juridiction internationale
(nouveaux articles 435-2, 435-4, 435-8 et 435-10 CP), le trafic d’influence
concernant l’agent public d’un Etat étranger n’est pas porté en incrimination
par la loi du 13 novembre 2007. Pourtant, le procédé est bel et bien utilisé
dans la pratique. Un arrêt de
Toutefois, à l’instar de nombreux autres Etats,
Sur un tout autre sujet, il faut constater que la
loi du 13 novembre 2007 ne donne nullement écho au chapitre de
B.
L’absence de prise en compte des
recommandations des organes de suivi
Plusieurs accords internationaux relatifs à la
lutte contre la corruption sont dotés d’organes de suivi qui veillent à la
bonne application des textes par les Etats parties : d’une part,
Parmi les recommandations formulées à
1.
Le monopole du Ministère public pour
la poursuite de la corruption transnationale
Les anciens articles 435-3 alinéa 3
et 435-4 alinéa 4 CP prévoyaient déjà qu’en matière de corruption
transnationale, les poursuites ne pouvaient être exercées qu’à la requête du
ministère public[27]. Il s’agit d’une
dérogation notable au principe selon lequel, en droit français, la victime peut
déclencher l’action publique en se constituant partie civile.
On le sait, la corruption d’agents
publics – étrangers ou non – est rarement très éloignée du monde politique. Or,
en France, le ministère public n’est pas indépendant du pouvoir exécutif, dans
la mesure où il est subordonné hiérarchiquement au Garde des sceaux. Dans ce
contexte, le monopole des poursuites du ministère public a été sévèrement
apprécié par le Groupe de travail de l’OCDE contre la corruption[28]. Il
ouvre en effet la voie à d’éventuelles violations de l’article 5 de
Il faut donc regretter que la loi du
13 novembre 2007 ne revienne pas sur le monopole des poursuites du ministère
public. Plutôt que de corriger les anciens articles 435-3 alinéa 3 et 435-4
alinéa 4 CP, elle transfère en effet leur substance dans le nouvel article
435-6 CP[30]. Il a été remarqué dans
la première partie de ce colloque que le législateur actuel était très enclin à
œuvrer en faveur des victimes, voire tendait à s’engager dans la voie de la
« sublimation » de la victime. Force est pourtant de constater que ce
n’est pas le cas en matière de corruption transnationale… Or, s’il existe un
domaine dans lequel la nécessité de rendre son rôle à la victime est effective
et incontestable, c’est bien celui-là !
2.
Les
restrictions à l’exercice de la compétence personnelle
Le code pénal subordonne en son
article 113-8 la compétence personnelle – active et passive – des tribunaux
français pour les délits commis à l’étranger à l’existence d’une requête du
ministère public. De surcroît, cette requête « doit être précédée d'une
plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par
l'autorité du pays où le fait a été commis ». Ainsi, les délits de
corruption transnationale commis par un ressortissant français hors du
territoire français – l’hypothèse est courante dans le cadre des
investissements d’entreprises françaises à l’étranger –, ne peuvent être
poursuivis en France que lorsqu’une victime a porté plainte ou si les autorités
du pays de commission de l’infraction ont officiellement dénoncé les faits aux
autorités françaises.
Cette situation résulte certes du
régime général de la compétence personnelle, contrairement au problème du
monopole des poursuites du ministère public engendré par une dérogation
législative. Pour autant, faut-il rappeler qu’en matière de corruption, la
victime telle le contribuable, l’usager d’équipements défectueux, les
entreprises évincées lors de l’attribution d’un marché dans l’ignorance qu’un
concurrent a versé un pot-de-vin, reste souvent une victime
« aveugle » ? Et peut-on raisonnablement croire que les
autorités d’un pays dont un agent public potentiellement très haut placé dans
la hiérarchie de l’Etat – voire le chef de l’Etat ou un membre du gouvernement
– est corrompu par une entreprise française, disposent de l’indépendance
suffisante pour dénoncer les faits à la justice française ? Le Groupe de
travail de l’OCDE avait pointé la difficulté[31] et
les praticiens y sont confrontés, mais la loi du 13 novembre 2007 n’apporte pas
de réponse.
3.
La prescription de l’action publique
En comparaison avec les règles en
vigueur dans les autres Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’OCDE, le
délai français de prescription de trois ans est particulièrement court. Aussi
les instances de suivi de ces deux organisations ont-elles à plusieurs reprises
recommandé à
D’un côté, l’arrêt de
De l’autre côté, le rapport Coulon
sur la dépénalisation de la vie des affaires remis au Garde des sceaux en
janvier 2008 suggère d’allonger le délai de prescription pour la corruption et
le trafic d’influence à sept ans, d’une part, mais aussi, d’autre part,
d’exclure que le délai commence à courir à une date ultérieure à celle de la
commission de l’infraction. Il reste à voir si ces propositions seront
adoptées, en particulier la seconde qui remet en cause la jurisprudence du 19
mars 2008.
[1] Pour ces trois premiers accords, les instruments
de ratification français ont été déposés au Conseil de l’Europe le 25 avril
2008.
[2] L’instrument de ratification a été déposé par
[3] Sur cette Convention, voir The OECD Convention on Bribery – A commentary, dir. M. Pieth, L. A. Low
et P. J. Cullen, Cambridge
University Press, 2006 et J. LELIEUR et M. Pieth,
« Dix ans d’application de
[4] Il s’agit des membres de
[5] Sur les motifs de cette approche très ciblée, voir M. Pieth, « Introduction », in The OECD Convention on Bribery – A
commentary, précité, p. 3 et s., spéc. p. 5-6 et p. 20 et s ; J.
LELIEUR et M. Pieth, art. cité,
p. 1086-1087.
[6] I. Zerbes, « Article 1. The offence of bribery of foreign
public officials », in The OECD
Convention on Bribery – A commentary, précité, p. 45 et s., spéc. p. 56 et
s.
[7] Date d’adoption du Foreign Corrupt
Practices Act ; M. Pieth, op. cit., p. 7 et s.
[8] Voir la notion d’équivalence fonctionnelle ancrée dans
[9] Voir supra, page 8.
[10] Le
trafic d’influence est une infraction voisine de la corruption qui suppose
l’existence d’un tiers auprès duquel est exercé une influence réelle ou supposé
par un individu, le trafiquant passif, que rémunère le trafiquant actif qui
espère bénéficier d’un avantage indu procuré par le tiers.
[11] Voir le
second tableau, page 10.
[12] L’article
25 de
[13] Ces
deux textes ne sont pas reproduits dans les tableaux des pages suivantes.
[14] Voir sur ces questions l’excellente
analyse de M. SECONDS, « A propos de la onzième réécriture des délits de
corruption », Dalloz 2008, p. 1068, spéc. p. 1069-1070.
[15] Ph. Conte,
« Le régime procédural de la criminalité organisée étendu à la
corruption : l’exception tendrait-elle à devenir la règle ? »,
Droit pénal 2008, Etude n° 1.
[16] En ce sens,
[17] Ch. MIRABEL, « L’enquête de corruption », AJ
Pénal 2006, p. 197 et s.
[18] Il peut
paraître que la dernière hypothèse est déjà couverte par la compétence
personnelle passive de l’article 113-7 CP. Mais il est intéressant de constater
que, dans le cas de la compétence universelle, la restriction de l’article
113-8 CP ne s’applique pas (sur les problèmes posés par cette disposition, voir
infra, p. 18).
[19] En
écho, l’article 4 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats
de partenariat est modifié dans les mêmes termes.
[20] Recommandation n° 5 du rapport de phase 2 sur
[21] Cass. crim. 19 mars 2008, pourvoi n° 07-82124,
publié au bulletin.
[22] L’Allemagne n’a d’ailleurs pas ratifié
[23] Voir supra, p. 3.
[24] Voir également les articles 13 et 14 de
[25] Rapport du sénateur Hugues Portelli, session
ordinaire de 2007-2008, document n° 51, annexe du procès-verbal de la séance du
24 octobre 2007, p. 30.
[26] Pour de plus amples informations sur ce groupe,
voir J. LELIEUR et M. Pieth, article
cité, p. 1087-1089 et p. 1091.
[27] La
restriction ne s’applique pas aux poursuites engagées sur le fondement des
anciens articles 435-1 et 435-2 CP, relatifs à la corruption de fonctionnaires
des Communautés européennes, des membres des institutions communautaires ou des fonctionnaires des autres
membres de l’Union européenne.
[28] Voir la
recommandation n° 8 du rapport de phase 2 sur
[29] M. SECONDS, article cité, p. 1074-1075; Ch. CUTAJAR,
« Le droit à réparation des victimes de la corruption ; plaidoyer
pour la reconnaissance d’un statut des victimes de la corruption », Dalloz
2008, p. 1081 et s., spéc. p. 1082-1083;
[30] L’exclusion de la restriction au cas de
poursuites relatives à la corruption d’agents publics des Etats membres et des
institutions de l’Union européenne est préservée.
[31] Rapport de phase 1 sur
[32] Pour plus d’informations, voir J. LELIEUR,
« La prescription des infractions de corruption », Dalloz 2008, p. 1076
et s., spéc. p. 1077 et p. 1080.
[33] Précité, note n° 21.