Le mariage et le pacte civil de solidarité : dernier état des textes

 

par Patrice HILT

Maître de Conférences, Université Robert Schuman de Strasbourg

 

 

-                      De toute évidence, l’année 2006 sera marquée par une évolution substantielle des règles juridiques applicables au mariage et au pacte civil de solidarité. En effet, en l’espèce de quelques mois, plusieurs lois importantes ont été adoptées dans ces deux matières.

 

-           Les interventions répétées du législateur ont parfois surpris, de telle sorte qu’on a pu parler de « boulimie législative » ou encore, de manière plus brutale, de « dysenterie législative ».

 

-           Pour autant, plusieurs propositions de lois touchant au droit des couples sont restées sans suite. A titre d’exemple, les propositions socialistes visant à ouvrir le mariage aux homosexuels n’ont pas reçu un accueil favorable au Parlement, jusqu’à présent tout au moins. Dernièrement encore, le candidat socialiste à la prochaine élection présidentielle s’est déclaré favorable à la légalisation du mariage homosexuel et, plus loin, à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels.

 

-           Mais rentrons sans plus tarder dans le vif du sujet : sans grand mystère, je vous présenterai tout d’abord les derniers textes intervenus dans le domaine du mariage – et ils sont nombreux, puis la réforme du pacte civil de solidarité.

 

 

 

 

 

 

I. Le mariage

 

-           On a coutume de dire que le droit du mariage est un droit statique, dans la mesure où la vénérable institution n’est que rarement réformée par le législateur. Tout juste est-elle, parfois, retouchée.

 

-           L’année 2006 nous démontre cependant le contraire ! En effet, à travers une série de lois, le droit du mariage se voit substantiellement remanié.

 

-           Pas moins de trois lois votées en l’espace de quelques mois sont venues tantôt corriger, tantôt compléter notre droit matrimonial : la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration et, plus récemment, la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages

 

-           A la lecture de ces lois, on a parfois une impression de redondance. Cela ne doit pas étonner car, si le contenu de ces lois diffère d’un texte à l’autre, leur objectif est néanmoins commun : ces lois visent toutes à sauvegarder l’ordre public matrimonial de protection.

 

-           Pour protéger cet ordre public, deux orientations ont été retenues par le législateur :

 

--         d’une part, lutter contre les mariages forcés. Tel est l’objectif de la loi du 4 avril 2006 (A).

 

--         d’autre part, lutter – encore et toujours - contre les mariages simulés. Tel est l’objectif de la loi du 14 novembre 2006 et, de manière incidente, de celle du 24 juillet 2006.(B).

 

 

A. Lutter contre les mariages forcés

 

-           Le mariage forcé est celui dans lequel le consentement d’un époux a été vicié par la violence. Celle-ci peut certes être physique, mais elle est, dans la réalité des choses, essentiellement morale. Un tel mariage est évidemment annulable sur le fondement bien connu de l’art. 180 C. civ. Cependant, cette possibilité d’annulation a été considérée par le législateur comme insuffisante pour combattre efficacement les mariages forcés.

 

-           La loi du 4 avril 2006 vise à remédier à cette insuffisance. Pour en comprendre l’esprit, il faut l’inscrire dans le cadre du plan global de lutte contre les violences faites aux femmes lancé par le Gouvernement le 24 novembre 2004.

 

-                       On ne s’étonnera donc pas que cette loi comporte un important volet pénal visant à réprimer plus sévèrement les violences commises au sein du couple. Schématiquement, sur un plan purement pénal :

 

--         la loi porte création d’une nouvelle circonstance aggravante en cas de meurtre commis par un conjoint, concubin ou partenaire (art. 221-4, 8° CP – réclusion criminelle à perpétuité)

 

--         elle prévoit désormais expressément l’infraction de viol et d’agression sexuelle peut être constituée indépendamment de la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime (art. 222-22, al. 2 CP). Est ainsi consacré le viol entre époux notamment, ce que la chambre Criminelle de la Cour de cassation avait déjà admis depuis plusieurs années.

 

--         la loi du 4 avril 2006 sanctionne désormais certains vols commis entre époux, notamment lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des moyens de paiement, des papiers d’identité ou encore des documents relatifs au titre de séjour (art. 311-12 al. 2 NCP).

 

--         enfin, sur un plan pénal, la loi du 4 avril 2006 accorde également au procureur de la République la possibilité de demander à l’auteur des violences conjugales de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou à leurs abords immédiats (art. 41-1, 6° CPP). Ces mesures peuvent également être ordonnées par le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention, la juridiction de jugement ou encore le juge de l’application des peines (art. 132-45 CP).

 

 

-           Sur un plan cette fois-ci civil, les mesures posées par la loi du 4 avril 2006 poursuivent un double objectif : améliorer la prévention des mariages forcés (a) ou, le cas échéant, la sanction civile d’un tel mariage (b).

 

a. Renforcer la prévention des mariages forcés

 

-           Quatre mesures civiles ont été imaginées par le législateur pour prévenir la conclusion d’un mariage forcé :

 

 

1°. Première mesure préventive : harmoniser l’âge du mariage

 

-           Jusqu’à cette loi, l’âge requis pour pouvoir se marier était fixé à 18 ans pour l’homme et 15 ans pour la femme.

 

-           Désormais, cet âge est fixé à 18 ans, tant pour l’homme que pour la femme. Cette uniformisation a bien évidemment été réalisée par garantir une parfaite égalité entre les deux sexes. Mais, comme cela ressort des débats parlementaires, elle est également destinée à prévenir les mariages forcés.

 

-           Comment ? Il faut savoir que, avant cette réforme, les jeunes filles essentiellement issues de familles de l’immigration étaient parfois obligées par leurs parents à se marier dès leur quinzième anniversaire. Une telle situation n’était pas rare. Or, dans une telle hypothèse, et parce que la jeune fille avait l’âge de se marier, une dispense du procureur de la République n’était jamais requise, de sorte que seule suffisait l’autorisation parentale qui, parfois, se transformait en une véritable pression au mariage.

 

-           Désormais, l’âge légal de la puberté coïncide avec l’âge légal du mariage. En conséquence, le mariage d’une jeune fille âgée entre 15 et 18 ans suppose dans tous les cas, outre une autorisation parentale, une dispense d’âge délivrée par le procureur de la République pour motifs graves, ce qui devrait dissuader les parents d’imposer un mariage à leur fille mineure.

 

 

2°. Deuxième mesure préventive : création d’un nouveau vice du consentement

 

-           Jusqu’à la loi du 4 avril 2006, le consentement d’un futur époux ne pouvait être vicié que par l’erreur ou la violence (pour un exemple récent : Colmar, 28 avril 2005, Dr. fam. 01/2006 p. 37-38).

 

-           Désormais, ce consentement peut également être vicié par la contrainte, ce que précise expressément le nouvel art. 180 C. civ.

 

-           Assurément, la contrainte visée par le législateur correspond ni plus ni moins à la violence morale, laquelle a toujours été admise comme vice du consentement matrimonial. Il existe donc ici une redondance qui n’a pas pu échapper au législateur.

 

-           Pour l’expliquer, on a souligné expressément lors des débats que cette réaffirmation affichait un rôle purement symbolique et, plus loin, « pédagogique ». En effet, en intégrant la contrainte dans l’art. 180 C. civ., le législateur a souhaité réaffirmer solennellement que la contrainte – ou violence morale – constituait dans tous les cas une cause de nullité du mariage.

 

-           Ce faisant, le législateur a pourtant innové sur un point : selon lui, la crainte révérencielle constitue une variété de contrainte au sens de l’art. 180 C. civ. Ainsi, le droit matrimonial se démarque désormais du droit commun des obligations où .la crainte révérencielle envers un ascendant n’est pas un vice du consentement (art. 1114 C. civ.).

 

V. crainte révérencielle : crainte qu’inspire une personne en raison de l’autorité qui lui appartient et du respect qui lui est dû.

 

 

3°. Troisième mesure préventive : élargissement du rôle et des pouvoirs de l’officier de l’état civil

 

-           Jusqu’à la loi du 4 avril 2006, l’officier de l’état civil, dans le cadre de l’audition prénuptiale, devait seulement rechercher l’existence d’un mariage simulé au regard de l’art. 146 C. civ. Et il ne pouvait saisir le procureur de la République que s’il existait des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé était susceptible d’annulation en vertu de l’art. 146 C. civ.

 

-           A cet égard, la loi du 4 avril 2006 opère trois changements :

 

--         tout d’abord, il appartient désormais à l’officier de l’état civil, dans le cadre de l’audition prénuptiale, de rechercher non seulement l’existence d’un mariage simulé au regard de l’art. 146 C. civ., mais également l’existence d’un mariage forcé au regard de l’art. 180 C. civ.

 

--         ensuite, l’art. 63 C. civ. prévoyait initialement que seul l’officier de l’état civil pouvait réaliser l’audition prénuptiale. Ce texte précise dorénavant que cette audition peut être réalisée soit par l’officier de l’état civil lui-même, soit par un fonctionnaire titulaire de l’état civil de la commune délégué par lui.

 

--         enfin, l’art. 175-2 C. civ. indique désormais que l’officier de l’état civil peut saisir le procureur de la République non seulement s’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’art. 146 C. civ., mais également s’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’art. 180 C. civ.

 

 

4°. Quatrième mesure préventive : élargissement du droit d’opposition du procureur de la République

 

-           Jusqu’à la loi du 4 avril 2006, le procureur de la République ne pouvait s’opposer à la célébration d’un mariage que s’il existait des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé était susceptible d’annulation sur le fondement de l’art. 146 C. civ.

 

-           Désormais, il peut également s’opposer à la célébration s’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’annulation en vertu de l’art. 180 C. civ. Ainsi, en cas de suspicion d’un mariage forcé, le procureur peut mettre en œuvre son droit d’opposition prévu à l’art. 175-2 C. civ. Notamment, il pourra ordonner à l’officier de l’état civil de surseoir à la célébration pendant un délai d’un mois renouvelable.

 

 

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-           Lors des débats qui ont entourés le vote de la loi du 4 avril 2006, le législateur a été conscient que, malgré toutes ces nouvelles mesures préventives, un mariage forcé puisse échapper aux mailles du filet et être célébré. Aussi a-t-il décidé d’inclure dans cette loi des mesures visant – cette fois-ci - à améliorer la sanction d’un tel mariage.

 

 

b. Améliorer la sanction des mariages forcés

 

-           Le mariage forcé est sanctionné par la nullité relative. La loi du 4 avril 2006 a retouché le régime juridique de cette nullité relative. Deux innovations ont été introduites dans le Code civil :

 

 

1°. Première innovation : ouvrir plus longtemps l’action en nullité relative du mariage

 

-           Jusqu’à cette loi, l’action en nullité relative du mariage en raison d’un vice du consentement se prescrivait soit par 6 mois en cas de cohabitation continue, soit par 5 ans si la cohabitation avait cessé.

 

-           Désormais, le Code civil ne distingue plus : l’action en nullité relative en raison d’un vice du consentement se prescrit dans tous les cas par 5 ans, que l’époux victime ait ou non continué à cohabiter avec son conjoint (art. 181 nouv. C. civ.). Ce faisant, le législateur a aligné la prescription de l’action en nullité relative du mariage sur celle de l’action en nullité relative du contrat (art. 1304 C. civ.).

 

-           Ce délai commence à courir, aujourd’hui comme hier, à compter du jour où la violence a cessé.

 

 

 

2°. Deuxième innovation : ouvrir plus largement l’action en nullité relative du mariage

 

-           Jusqu’à la loi du 4 avril 2006, l’action en nullité relative du mariage en raison d’un vice du consentement ne pouvait être exercée que par l’époux victime, et par lui seul.

 

-           La loi du 4 avril 2006 a modifié sur ce point l’art. 180 al. 1er C. civ. : dorénavant, l’action en nullité relative du mariage en raison d’un vice du consentement peut être intentée non seulement par l’époux victime, mais également par le ministère public.

 

 

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-           Les récentes réformes opérées par le législateur en droit matrimonial visent encore à lutter contre les mariages simulés.

 

 

B. Lutter contre les mariages simulés

 

-           Le mariage simulé est celui qui a été conclu par un époux dans un but autre que celui d’adhérer à l’institution matrimoniale. Ce but étranger est notamment la volonté d’acquérir la nationalité française ou encore celle d’obtenir un titre de séjour.

 

-           Partant, depuis longtemps, les Gouvernements successifs ont tenté d’endiguer ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur au fil des années. On se souvient des lois dites Pasqua adoptées les 22 juillet et 24 août 1993, de la loi dite Chevènement adoptée le 16 mars 1998 et, plus récemment, de la loi dite Sarkozy I adoptée le 26 novembre 2003.

 

-           La lutte contre le mariage simulé a été remise sur le métier cette année, tout simplement parce que les lois antérieures n’ont pas permis de freiner efficacement ce détournement de l’institution matrimoniale. Mais on sait que la liberté matrimoniale est garantie par l’art. 12 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ce qui entrave la marge de manœuvre des Etats. Dans un rapport adressé au sénat au printemps dernier, la commission des lois avait expressément relevé que les moyens de lutte contre les mariages simulés restaient profondément insuffisants. En 2000, le nombre des mariages simulés signalés au parquet était de 184. Il est passé à 1353 en 2005 !

 

-           C’est pour cette raison que le législateur a adopté deux nouvelles lois qui visent à lutter contre les mariages simulés. Deux orientations ont été choisies : d’une part, rendre le mariage moins attractif (1) ; d’autre part, renforcer les moyens permettant de lutter efficacement contre les mariages simulés (2).

 

 

1. Première orientation : rendre le mariage moins attractif

 

-           Pour dissuader la conclusion d’un mariage simulé, la première loi Sarkozy adoptée le 26 novembre 2003 avait déjà créée une nouvelle infraction pénale dans l’ordonnance du 2 novembre 1945. Selon l’art. 21 de ce texte, les personnes qui se prêtent à un mariage dans l’unique but d’acquérir la nationalité française ou de bénéficier d’un titre de séjour, ainsi que les personnes qui organisent un tel mariage, encourent une peine d’emprisonnement de 5 ans et une peine d’amende de 15.000 euros. Si le délit est commis en bande organisée, la répression va jusqu’à 10 années d’emprisonnement et une amende de 750.000 euros. Cette pénalisation du mariage simulé est cependant restée lettre morte – ou quasiment - car seules quatorze condamnations ont été prononcées depuis l’adoption de la loi Sarkozy I, dont seulement trois à des peines d’emprisonnement ferme. Ce dispositif pénal n’apparaît donc pas efficace.

 

-           C’est pourquoi la loi du 26 juillet 2006 – appelée Sarkozy II - a décidé de dissuader la conclusion d’un mariage simulé par des règles civiles.

 

 

a. Première règle civile : le délai d’obtention de la nationalité française est désormais plus long

 

-           En droit français, le mariage permet à un époux étranger d’acquérir la nationalité française sur simple déclaration faite devant le juge d’instance.

 

-           Le délai de vie commune nécessaire a changé plusieurs fois durant ces dernières années. Ce délai a été fixé à un an par la loi du 16 mars 1998, puis à deux ans par la loi du 26 novembre 2003.

 

-           Dorénavant, la nationalité française ne peut être demandée par un conjoint étranger qu’après quatre années de vie commune (art. 21-2 nouv. C. civ.), voire cinq années si le conjoint étranger n’a pas résidé de manière ininterrompue et régulière en France au moins trois ans depuis les mariage. Le Gouvernement peut s’opposer à cette acquisition dans un délai de deux ans et non plus d’un an.

 

-           En outre, comme par le passé, le conjoint étranger doit justifier d’une connaissance suffisante de la langue française.

 

 

b. Deuxième règle civile : les titres de séjour sont désormais plus difficiles à obtenir

 

-           La loi du 26 juillet 2006 rend également les titres de séjour plus difficiles à obtenir. Les plus importantes modifications apportées par cette loi sont les suivantes :

 

 

V. directive européenne 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union Européenne et des membres de leur famille de circuler et séjourner librement sur le territoire des Etats membres : ces personnes bénéficient d’un droit au séjour et d’un droit permanent au jour après cinq ans de résidence en France.

 

--         d’une part, la carte de résident, qui permet à l’étranger de vivre et de travailler en France pendant dix ans, ne peut plus être obtenue qu’après 3 ans de mariage, au lieu de 2 auparavant. Par ailleurs, elle n’est plus octroyée automatiquement, mais implique désormais un examen cas par cas. Enfin, elle peut être retirée en cas de rupture de la vie commune des époux pendant les quatre années qui suivent le mariage (art. L. 314-9 C. entrée et séjour des étrangers et du droit d’asile) :

 

--         d’autre part, le conjoint d’un ressortissant français doit désormais être en possession d’un visa de long séjour s’il souhaite s’établir en France, alors qu’il suffisait auparavant d’une entrée régulière. Ce visa pourra lui être refusé en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public.

 

 

2. Deuxième orientation : renforcer les moyens destinés à lutter contre les mariages simulés

 

-           La loi Sarkozy I du 26 novembre 2003 avait déjà introduit dans notre droit plusieurs nouveaux moyens destinés à lutter contre le mariage de complaisance. A l’époque, la principale innovation consistait certainement dans l’obligation, pour l’officier de l’état civil, d’auditionner les futurs époux avant la publication des bans afin d’évaluer la sincérité de leur volonté d’adhérer à l’institution matrimoniale (art. 63 C. civ.). Une autre nouveauté avait également été de permettre au procureur de la République de surseoir à la célébration du mariage pendant un délai d’un mois renouvelable (art. 175-2 C. civ.).

 

-           Ces moyens, jugés insuffisants, ont été complétés et renforcés par la loi du 14 novembre 2006, récemment validée par le Conseil constitutionnel (CC, 9 novembre 2006, déc. n°2006-542). Cette loi prévoit essentiellement cinq nouvelles mesures destinées à lutter contre les mariages simulés :

 

 

1. Première mesure : l’identité des témoins

 

-           Jusque là, les témoins au mariage pouvaient être librement choisis par les futurs époux jusqu’à la célébration, donc jusqu’au dernier moment (art. 75 C. civ.).

 

-           Dorénavant, l’identité des témoins doit être indiquée à l’avance à l’officier de l’état civil. En effet, le nouvel art. 63 C. civ. précise que la publication des bans est subordonnée à l’indication, par les futurs époux, des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins. Comme par le passé, le nombre des témoins est compris entre deux et quatre et ils doivent bien sûr être majeurs. Mais ils peuvent ne pas être parents avec l’un ou l’autre des futurs époux et être de nationalité étrangère (art. 75 C. civ.).

 

-           Ces indications devront être confirmées par chacun des futurs époux avant la célébration du mariage. Le cas échéant, ils pourront désigner de nouveaux témoins choisis par eux (art. 70 nouv. C. civ.).

 

-           Il résulte des débats parlementaires que ces nouvelles règles visent principalement « à faire apparaître plus facilement les cas de nullité objective ».

 

 

2. Deuxième mesure : la copie intégrale de l’acte de naissance

 

-           Jusque là, pour pouvoir se marier, les futurs époux devaient remettre à l’officiel de l’état civil un simple extrait de leur acte de naissance.

 

-           Dorénavant, le nouvel art. 70 C. civ. exige la production d’une copie intégrale de leur acte de naissance. Celle-ci, contrairement à l’extrait, mentionnera également les nom, prénom, date et lieu de naissance des parents de chacun des futurs époux. Par là, le législateur a souhaité faire apparaître plus facilement les cas de nullité objective.

 

                Remarque :

Le législateur en a profité pour faire disparaître dans l’art. 70 C. civ. toute référence à la colonisation française. En effet, l’ancien art. 70 C. civ. indiquait que l’expédition de l’acte de naissance que les futurs époux doivent remettre à l’officier de l’état civil devait dater de moins de six mois si elle a été délivrée dans « une colonie » ou dans un consulat. Le nouvel art. 70 C. civ. est ainsi libellé : « la copie intégrale ne doit pas dater de plus de six mois si elle a été délivrée dans un consulat ».

 

 

3°. Troisième mesure : l’audition prénuptiale

 

-           L’audition prénuptiale, créée par la loi Sarkozy I du 26 novembre 2003, et complétée par la loi du 4 avril 2006, a une nouvelle fois été retouchée par la loi du 14 novembre 2006. Celle-ci lui apporte deux modifications :

 

--         d’une part, la loi du 4 avril 2006 avait permis à l’officier de l’état civil de déléguer à un fonctionnaire titulaire du service de l’état civil de la commune la réalisation de l’audition. Dorénavant, cette possibilité de déléguer appartient également à l’autorité diplomatique ou consulaire dans le cadre d’un mariage de Français célébré à l’étranger. En effet, le nouvel art. 63 C. civ. dispose que l’autorité diplomatique ou consulaire peut elle aussi déléguer à un fonctionnaire titulaire chargé de l’état civil la réalisation de l’audition prénuptiale. Cette autorité peut même, lorsque l’un des futurs époux réside dans un pays autre que celui de la célébration, demander à l’officier de l’état civil territorialement compétent de procéder à l’audition de ce futur époux.

 

--         d’autre part, lorsque le futur époux est mineur, l’art. 63 nouv. C. civ. énonce désormais que son audition prénuptiale doit être réalisée hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.

 

 

4°. Quatrième mesure : le droit d’opposition du parquet

 

-           Jusque-là, toute opposition à mariage cessait de produire ses effets après une année révolue.

 

-           Ce principe demeure avec la loi du 14 novembre 2006. Celle-ci l’a cependant assorti d’une exception : en effet, conformément au nouvel art. 176 C. civ., lorsque l’opposition est faite par le ministère public, elle ne cesse pas de produire ses effets après une année révolue. Dans ce cas, l’opposition ne cesse de produire effet que sur décision judiciaire. Ainsi, l’opposition du parquet entraînera le sursis à célébration du mariage jusqu’à la décision de mainlevée prononcée par le tribunal de grande instance ou, le cas échéant, par la cour d’appel, lesquels doivent se prononcer dans les 10 jours.

 

 

5°. Cinquième mesure : les conditions de validité du mariage des Français célébré à l’étranger

 

-           La loi du 14 novembre 2006 abroge les articles 170 et 170-1 C. civ., et crée un nouveau chapitre II bis intitulé : Du mariage des Français à l’étranger (Chapitre 1. Des qualités et conditions pour pouvoir contracter mariage ; Chapitre 2. Des formalités relatives à la célébration du mariage). Ce nouveau chapitre, extrêmement technique, comprend les nouveaux articles 171-1 à 171-8 regroupés en trois sections différentes.

 

-           Le nouvel art. 171-1 C. civ. précise que le mariage contracté en pays étranger entre Français ou entre un Français et un étranger est valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n’aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre 1er du titre 5 du Code civil (Titre 5. Du mariage ; Chapitre 1. Des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage).

 

-           Ainsi, le mariage des Français célébré à l’étranger doit satisfaire à l’ensemble des conditions de fond du mariage telles que posées par le Code civil au chapitre 1er du titre 5 (puberté, consentement, autorisation, prohibition du mariage incestueux et de la bigamie).

 

-           Mais à ces conditions de fond s’ajoutent plusieurs autres conditions que vient de poser la loi du 14 novembre 2006 :

 

--         tout d’abord, lorsqu’il est célébré par une autorité étrangère, le mariage d’un Français doit être précédé de la délivrance d’un certificat de capacité à mariage établi après l’accomplissement, auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente, des prescriptions prévues à l’art. 63 C. civ. (art. 171-2 nouv. C. civ.)

 

Quelles sont alors les prescriptions de l’art. 63 C. civ. ? Ce texte subordonne la célébration du mariage à la publication des bans, à la remise d’un certificat médical prénuptial, à la remise de différentes pièces ou encore à la réalisation d’une audition prénuptiale.

 

Cette audition prénuptiale doit en principe être réalisée par l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage. Par exception, à la demande de celle-ci, l’audition peut être réalisée par l’officier de l’état civil du lieu de domicile ou de résidence en France du ou des futurs conjoints (art. 171-3 nouv. C. civ.).

 

Lorsque, au vu de l’ensemble de ces pièces et suite à l’audition prénuptiale, des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé serait entaché de nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191 C. civ., l’autorité diplomatique ou consulaire saisit sans délai le procureur de la République compétent et en informe les intéressés (art. 171-4 C. civ.). Le procureur peut alors, dans un délai de deux mois à compter de la saisine, faire connaître par une décision motivée à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration du mariage est envisagée qu’il s’oppose à cette célébration. La mainlevée de cette opposition peut être demandée, à tout moment, devant le tribunal de grande instance.

 

--         d’autre part, pour être opposable aux tiers en France, l’acte de mariage d’un Français célébré par une autorité étrangère doit bien évidemment être transcrit sur les registres de l’état civil français. La demande de transcription est faite auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente au regard du lieu de célébration du mariage (art. 171-5 nouv. C. civ.).

 

                        Cette transcription obéit à des règles techniques particulières :

 

---        premièrement, si l’acte de mariage n’est pas transcrit, il est inopposable aux tiers en France. Toutefois, même en l’absence de transcription, le mariage d’un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l’égard des époux et des enfants.

 

--          deuxièmement, lorsque le mariage a été célébré malgré l’opposition du procureur de la République, l’officier de l’état civil consulaire ne peut transcrire l’acte de mariage étranger sur les registres de l’état civil français qu’après remise par les époux d’une décision de mainlevée judiciaire.

 

--          troisièmement, lorsque le mariage a été célébré en contravention aux dispositions de l’art. 171-2 C. civ. (sans certificat de capacité à mariage), la transcription est précédée de l’audition des époux, ensemble ou séparément, par l’autorité diplomatique ou consulaire. Toutefois, si cette dernière dispose d’informations établissant que la validité du mariage n’est pas en cause au regard des articles 146 ou 180, elle peut, par décision motivée, faire procéder à la transcription sans audition préalable des époux (art. 171-7 nouv. C. civ.).

 

Si des indices sérieux laissent présumer que la mariage célébré devant une autorité étrangère encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 180 ou 190 C. civ., l’autorité diplomatique ou consulaire chargée de transcrire l’acte en informe immédiatement le ministère public et surseoit à la transcription. Dans ce cas, le procureur se prononce sur la transcription dans les six mois à compter à compter de sa saisine. S’il ne s’est pas prononcé à l’échéance de ce délai ou s’il s’oppose à la transcription, les époux peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu’il soit statué sur la transcription du mariage. Le tribunal statue dans le mois. En cas d’appel, la cour statue dans le même délai (art. 171-7 C. civ.).

 

--          quatrièmement, lorsque les formalités prévues à l’art. 171-2 (production d’un certificat de capacité à mariage) ont été respectées, il est procédé à sa transcription sur les registres de l’état civil à moins que des éléments nouveaux fondés sur des indices sérieux laissent présumer que le mariage encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 180 ou 191 C. civ. Dans ce dernier cas, l’autorité diplomatique ou consulaire, après avoir procédé à l’audition des époux, informe immédiatement le ministère public et surseoit à la transcription.

 

Le procureur dispose d’un délai de six mois à compter de la saisine pour demander la nullité du mariage. S’il ne s’est pas prononcé dans le délai de six mois, l’autorité diplomatique ou consulaire transcrit l’acte. Cette transcription ne fait cependant pas obstacle à la possibilité de poursuivre ultérieurement l’annulation du mariage (art. 171-8 nouv. C. civ.).

 

 

-oOo-

-           Nous le voyons : le droit au mariage a été profondément remanié durant l’année 2006, qui est également marquée par la vote d’une réforme attendue depuis plusieurs années déjà : celle relative au pacte civil de solidarité.

 

 

 

 

II. Le pacte civil de solidarité

 

-           La réforme du pacte civil de solidarité était attendue depuis quelques années. En effet, les règles mises en place par la loi du 15 novembre 1999 présentaient de graves imperfections, lesquelles avaient été dénoncées par une doctrine quasi-unanime tout en suscitant la perplexité du notariat. Et les critiques à l’égard de cette loi avaient été virulentes : des observateurs ont pu parler de « monstre juridique », d’une « visite aux enfers » ou encore d’un « bricolage législatif ».

 

-           La réforme du Pacs a finalement été insérée, d’une manière surprenante, dans la loi du 23 juin 2006 réformant le droit des successions et des libéralités. Mais que l’on ne s’y trompe pas : le législateur ne s’est pas contenté d’un simple toilettage. Il a procédé à un profond remaniement des règles applicables à ce contrat d’un genre particulier qui, par la voie des registres de l’état civil, est entré dans le droit des personnes !

 

-           Que faut-il alors retenir de cette loi du 23 juin 2006 ? En réalité, les modifications qu’elle apporte peuvent être regroupées en deux grandes catégories : certaines modifications sont relatives aux conditions de formation du Pacs (A) ; d’autres touchent ses effets (B).

 

 

A. Les modifications relatives aux conditions de formation du Pacs

 

-           La réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ne modifient que très peu les conditions de formation du Pacs telles qu’elles ont été initialement posées par la loi du 15 novembre 1999.

 

-           En la matière, la seule modification substantielle réalisée par la réforme a porté sur l’enregistrement du Pacs par un acte authentique. En effet, selon le nouvel art. 515-3 al. 2 C. civ., la convention peut être passée entre les partenaires par acte sous seing privé ou par acte notarié, et cette retouche des textes était souhaitée par tous !

 

-           Il est vrai que, en exigeant que la convention soit établie en « double original », l’ancien art. 515-3 al. 2 C. civ. avait placé les notaires dans l’embarras. La raison était simple : parce qu’il doit conserver la minute de tous les actes qu’il reçoit, le notaire ne délivre aucun document original, mais uniquement des expéditions, à l’exception de ceux qui, d’après la loi, peuvent être délivrés en brevets. D’où la difficulté à propos du Pacs.

 

-           A l’évidence, il s’agissait là d’une maladresse législative qui se trouve aujourd’hui réparée.

 

-           Pour autant, il n’est pas certain que cette modification participe à la protection des partenaires. En effet, aujourd’hui comme hier, il leur est toujours possible de rédiger eux-mêmes leur convention, ce que beaucoup d’entre eux choisissent de faire en raison du coût de l’acte notarié. Or l’acte sous seing privé ne permet pas de garantir, à lui seul, que les partenaires aient pris connaissance de l’étendue de leurs engagements et ils ne prennent pas davantage les conseils d’autres praticiens du droit, notamment des avocats. Aurait-il fallu imposer l’acte notarié ? Cette solution aurait permis aux partenaires de bénéficier, au moment de la conclusion du Pacs, d’une information complète sur son régime juridique, ainsi qu’une assistance technique dans l’établissement de la convention. La Belgique est l’un des rares pays à s’être engagé dans cette voie. Mais il eût été curieux que le passage devant notaire fût obligatoire pour les partenaires alors qu’il ne l’est pas pour les époux !

 

 

B. Les modifications relatives aux effets produits par le Pacs

 

-           Ces modifications sont nombreuses et conséquentes sur le fond. On peut essentiellement en dénombrer six :

 

 

1. Nouvelle publicité du Pacs

 

-        Le nouvel art. 515-3-1 du Code civil dispose qu’il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de pacte civil de solidarité, avec indication de l’identité de l’autre partenaire.

 

--       La réforme de la publicité du PACS est sans doute salutaire, tant l’ancien système était complexe et inefficace. A cet égard, le législateur français a cependant fait preuve d’audace puisque dans les autres pays européens l’enregistrement d’un partenariat, serait-il de type institutionnel, n’est pas inscrit sur les registres de l’état civil !

 

-        Comment ce nouveau système fonctionnera-t-il ? Comme par le passé, les partenaires doivent faire la déclaration conjointe de leur pacte au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel ils fixent leur résidence commune. Ils produisent au greffier, à peine d’irrecevabilité, la convention passée entre eux. A réception de la convention, le greffier vérifie que les conditions légales de fond et de forme sont réunies. Il appose son visa ainsi que la date sur chacune des pages de la convention. Après avoir procédé à ces formalités, le décret attendu précisera s’il restitue la convention aux intéressés. Il adresse aussitôt un avis à l’officier de l’état civil du lieu de naissance de chacun des partenaires, aux fins de mention du Pacs en marge de leur acte de naissance.

 

-         C’est à partir de cette inscription en marge que le Pacs deviendra opposable aux tiers (art. 515-3-1 C. civ.). En revanche, entre les partenaires, le Pacs prend effet à compter de son enregistrement (art. 515-3-1 C. civ.).

 

-         Lors du vote de la loi du 23 juin 2006, les parlementaires ont longuement discuté le contenu de la mention qu’il appartient désormais à l’officier de l’état civil d’apposer en marge de l’acte de naissance. Deux solutions étaient envisageables : n’y indiquer que la seule existence d’un PACS ou y faire figurer une mention plus complète comprenant en outre l’identité de l’autre partenaire. La première solution avait été préconisée par le groupe de travail afin de préserver la vie privée des partenaires. Le législateur a pourtant choisi de retenir la seconde. Ce choix me semble devoir être approuvé. Il y aurait en effet quelque paradoxe à cacher l’identité du partenaire alors que les personnes qui s’engagent dans un PACS recherchent généralement une reconnaissance sociale. Celle-ci est par ailleurs utile aux tiers, spécialement aux créanciers susceptibles de bénéficier de la solidarité entre partenaires. Faute d’avoir accès par une voie officielle à la connaissance de l’identité du partenaire de leur débiteur, il leur serait souvent difficile d’engager des poursuites contre lui.

 

-         Globalement, le nouveau système de publicité du PACS améliore la situation des tiers, dont les créanciers. Le dispositif retenu en 1999 n’était pas satisfaisant, puisque l’accès aux informations contenues dans les registres était extrêmement limité. A présent, tous ceux qui en formuleront la demande se verront délivrer par l’officier de l’état civil un extrait de l’acte de naissance mentionnant l’existence d’un PACS et l’identité de l’autre partenaire. Une partie de la charge de travail dont la réforme vient de délester les greffiers des tribunaux d’instance se trouve ainsi reportée sur les officiers de l’état civil. En revanche, il n’y aura plus lieu de délivrer aux autres des certificats de non-pacs.

 

-        Une remarque finale s’impose : ces nouvelles règles de publicité ne s’appliqueront qu’aux Pacs conclus à compter du 1er janvier 2007. S’agissant des Pacs conclus avant cette date, la loi du 23 juin 2006 a posé plusieurs dispositions transitoires :

 

--         d’une part, jusqu’au 1er janvier 2008, les partenaires engagés dans les liens d’un Pacs conclu avant le 1er janvier 2007 peuvent faire connaître leur accord, par déclaration conjointe remise au greffe du tribunal d’instance, pour qu’il soit procédé aux nouvelles formalités de publicité.

 

--         d’autre part, à compter du 1er janvier 2008, le greffier du tribunal d’instance du lieu d’enregistrement adresse d’office à l’officier de l’état civil détenteur de l’acte de naissance de chaque partenaire un avis de mention de la déclaration de Pacs. Le greffier devra adresser cet avis avant le 1er juillet 2008. Les partenaires engagés dans les liens d’un pacte conclu sous l’empire de la loi du 15 novembre1999 devront dissoudre leur PACS avant le 1er janvier 2008 s’ils souhaitent que la mention du PACS n’apparaisse pas sur leurs actes de naissance respectifs.

 

 

2. Création d’un devoir d’assistance entre les partenaires

 

-                      Modifié par la loi du 23 juin 2006, le nouvel art. 515-4 C. civ. dispose que les personnes liées par un PACS s’engagent à une assistance réciproque. Ce nouveau devoir a été mis à la charge des partenaires par les parlementaires, sans grand débat. Pourtant, cette modification, qui se voulait avant tout symbolique, donne au Pacs la dimension extrapatrimoniale qui lui manquait véritablement et qui rapproche les partenaires du statut des époux.

 

-           Désormais, la solidarité entre partenaires ne se limite plus à des considérations purement pécuniaires, mais place également leurs rapports dans un cadre moral. Ces derniers doivent être guidés par la prévenance, la sincérité, la courtoisie ou encore le soutien psychologique.

 

-                      Certes, le législateur n’a pas défini le devoir d’assistance qu’il met à la charge des partenaires. Le contenu de ce dernier peut toutefois être déterminé par référence au devoir d’assistance entre époux (art. 212 C. civ.), ce qui a été suggéré par le groupe de travail. Partant, les partenaires doivent se soutenir et se venir en aide devant les difficultés de l’existence

 

-                      Le législateur n’est cependant pas allé au bout de sa logique. Dans le mariage, le devoir d’assistance explique le rôle accordé au conjoint en matière de protection des majeurs incapables. Ainsi, en cas de placement de l’un des époux sous tutelle, le conjoint est tuteur de plein droit (art. 496 C. civ.). La loi du 23 juin 2006 n’a pas étendu cette règle aux partenaires.

 

-           Il reste alors à savoir comment sanctionner la méconnaissance, par l’un des partenaires, de son devoir d’assistance. Là encore, la nouvelle loi reste muette. On peut alors songer au mécanisme de la responsabilité civile contractuelle qui permettrait à la victime de réclamer à son partenaire des dommages et intérêts. S’agissant du juge qui devra être saisi, le doute est permis en raison de la nature hybride du Pacs. Pourtant, selon le Conseil constitutionnel, la compétence doit revenir au juge du contrat (CC, 9 novembre 1999, §31), c'est-à-dire au tribunal de grande instance, au tribunal d’instance ou encore au juge de proximité selon l’intérêt en jeu. Cette solution exclut bien évidemment la compétence du juge aux affaires familiales (V. Douai, 27 février 2003).

 

 

3. Réforme de l’aide matérielle mise à la charge des partenaires

 

-                      La loi du 15 novembre 1999 avait mis à la charge des partenaires une « aide mutuelle et matérielle ». Celle-ci a été retouchée par la loi du 23 juin 2006 :

 

--         d’une part, sa dénomination change. Il est vrai que l’appellation « aide mutuelle et matérielle » était fortement critiquée dans la mesure où il était certain que l’obligation envisagée par le législateur devait être réciproque. Pour cette raison, le mot « mutuelle », jugé superflu, a été supprimé par la réforme. Selon le nouvel art. 515-4 al. 1er C. civ., les partenaires s’engagent désormais à une « aide matérielle ».

 

--         d’autre part, cette nouvelle disposition apporte quelques précisions sur les modalités de cette aide. Elle maintient bien évidemment la possibilité, pour les partenaires, de déterminer librement ces modalités par une clause insérée dans leur convention. Mais désormais, elle énonce expressément que, si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle sera proportionnelle à leurs facultés respectives, ce que ne précisait pas l’ancien art. 515-4 C. civ. La formule utilisée est inspirée de celle de l’art. 214 C. civ. relatif au devoir pour les époux de contribuer aux charges du mariage.

 

-           La loi ne fournit aucune précision sur le contenu du devoir qu’elle impose aux partenaires. Cependant, un consensus s’est rapidement dessiné au sein du groupe de travail sur la nécessité de définir cette aide par référence à l’art. 214 C. civ. Par conséquent, l’aide matérielle dont sont tenus les partenaires et le devoir des époux de contribuer aux charges du mariage devraient présenter un contenu quasi-identique. Comme les époux, chacun des partenaires doit participer financièrement aux dépenses ménagères (nourriture, vêtements, logement, santé…).

 

-          En principe, les modalités de cette aide sont fixées directement par les partenaires dans leur convention. Ils jouissent à cet égard d’une liberté contractuelle, laquelle n’est limitée que par l’interdiction, pour l’un des partenaires, de se dispenser totalement de la contribution aux charges du ménage. Bien évidemment, l’aide se matérialise normalement par une participation financière aux charges du ménage. Celle-ci peut d’ailleurs ne pas être identique pour les deux partenaires, et varier en fonction de la fortune de chacun d’eux. Rien ne semble cependant interdire à un partenaire de fournir une prestation en nature, notamment en hébergeant gratuitement l’autre partenaire dans un logement qui lui appartient personnellement.

 

--         Par exception, si les partenaires n’ont pas prévu dans leur convention les modalités de l’aide matérielle, celle-ci sera proportionnelle à leurs facultés respectives (art. 515-4 al. 1er C. civ.). Dans cette hypothèse, le juge du contrat interviendra.

 

-           Enfin, il convient d’observer que, contrairement à l’art. 214 C. civ., l’art. 515-4 C. civ. ne prévoit aucune action en contribution en cas de défaillance d’un partenaire. Il est cependant difficile d’exclure une telle action de la part du partenaire abandonné ou, après rupture du PACS, de la part de celui qui soutiendra avoir seul assumé les charges communes. Ce dernier devrait pouvoir saisir le juge du contrat pour obtenir la condamnation du partenaire qui ne remplit pas, totalement ou partiellement, son devoir.

 

 

4. Réforme de la solidarité entre partenaires

 

-           La solidarité entre partenaires a elle aussi été revue par la loi du 23 juin 2006. Initialement, la loi du 15 novembre 1999 avait mis à la charge des partenaires une solidarité à l’égard des tiers en ce qui concerne les « dettes contractées par l’un d’eux pour les besoin de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement ». Ce libellé n’était pas satisfaisant car il laissait entendre expressément que la solidarité entre partenaires pouvait couvrir même les dépenses d’investissement, telles que le remboursement d’un emprunt. Or telle n’avait jamais été l’intention du législateur de l’époque !

 

-                      La réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 modifie la formule, en la raccourcissant. Désormais, la solidarité entre partenaires couvre les dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toute référence aux dépenses relatives au logement a disparu, ce qui n’est pas gênant puisque les loyers et charges participent à l’évidence des besoins de la vie courante.

 

-                      L’ancien article 515-4 C. civ. n’avait envisagé aucune exclusion de la solidarité entre partenaires. Le périmètre de la solidarité se trouvait par conséquent plus étendu pour les partenaires que pour les époux, ce qui avait suscité de nombreuses critiques. Elles ont été prises en compte par la loi du 23 juin 2006 qui a réécrit l’art. 515-4 C. civ. La formule nouvelle est empruntée à l’art. 220 C. civ.

 

-                      L’assimilation entre l’art. 515-4 in fine C. civ. et l’art. 220 al. 2 et 3 C. civ. n’est cependant pas complète :

 

--                     en effet, l’art. 220 al. 2 et 3 C. civ. prévoit que, sauf exceptions, la solidarité entre époux n’a pas lieu pour les dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants lorsque celles-ci sont manifestement excessives, résultant d’un achat à tempérament ou d’un emprunt.

 

--                     ces exclusions ne sont pas toutes reprises à l’art. 515-4 in fine C. civ, lequel n’écarte la solidarité entre partenaires que pour les seules dépenses manifestement excessives. Celles résultant d’un achat à tempérament ou d’un emprunt n’y sont pas mentionnées.

 

On peut s’en étonner car, à l’égard des partenaires comme à l’égard des époux, les dettes résultant d’un achat à tempérament ou d’un emprunt présentent un même risque !

 

 

5. Un nouveau régime applicable aux biens des partenaires

 

-           La loi du 15 novembre 1999 avait posé une présomption d’indivision selon laquelle certains biens acquis par les partenaires étaient présumés indivis pour moitié. La règle était dangereuse pour les partenaires car elle les rendait copropriétaires de biens sans le savoir et – souvent – sans l’avoir voulu. Elle a été unanimement critiquée. Pour cette raison, le législateur a réformé le régime applicable aux biens des partenaires. La loi du 23 juin 2006 a purement et simplement abrogé l’ancienne présomption d’indivision

 

-           Dorénavant, les biens des partenaires sont en principe soumis au régime légal de la séparation des biens. Par exception, les partenaires peuvent décider de les soumettre au régime conventionnel de l’indivision des acquêts :

 

--         le principe est donc celui de la séparation des biens (art. 515-5 al. 1er C. civ.). La séparation des patrimoines vaut tant pour l’actif que pour le passif.

 

S’agissant de l’actif, chaque partenaire reste propriétaire des biens qu’il acquiert après l’enregistrement de la convention initiale (art. 515-5 al. 1er C. civ.). La gestion de ces biens est commandée par deux règles : d’une part, puisqu’il reste propriétaire des biens qu’il acquiert après l’enregistrement de la convention initiale, le partenaire-acquéreur peut exercer seul sur eux les actes d’administration, de jouissance ou encore de disposition. L’accord de l’autre partenaire n’est donc jamais nécessaire ; d’autre part, dans le but de protéger les tiers de bonne foi, le nouvel art. 515-5 al. 3 C. civ. dispose qu’à leur égard, le partenaire qui détient un bien meuble est réputé avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition. Cette nouvelle disposition reproduit la règle inscrite à l’art. 222 C. civ. La présomption de pouvoir qu’elle institue ne joue cependant que pour les biens meubles détenus individuellement par l’un des partenaires, et uniquement à l’égard des tiers de bonne foi.

 

S’agissant du passif, le législateur a posé une règle parallèle : chaque partenaire reste seul tenu tant des dettes personnelles qu’il a contractées avant l’enregistrement de la convention initiale que de celles qu’il contracte après l’enregistrement de la convention initiale (art. 515-5 al. 1er C. civ.). Il en résulte que, pour une telle dette, les créanciers du débiteur ne peuvent jamais poursuivre l’autre partenaire en paiement, sauf si la dette est une dette solidaire au sens de l’art. 515-4 al. 2 C. civ.

 

--         Par exception, si le régime de la séparation des biens ne satisfait pas les partenaires, ils peuvent choisir, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions (art. 515-5-1 C. civ.). Ces biens appartiendront aux partenaires pour moitié chacun, le financement étant indifférent.

 

                        Deux remarques :

 

---        d’une part, sur ces biens, les partenaires jouissent d’une gestion concurrente. En effet, selon l’art. 515-5-3 C. civ., chaque partenaire est gérant de l’indivision et peut exercer les pouvoirs reconnus par les articles 1873-6 à 1873-8 C. civ. Ces pouvoirs sont ceux attribués à chaque époux sur les biens communs (art. 1873-6 al. 2 C. civ.). Partant, à l’instar des époux dans l’administration de la communauté, chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts (art. 1421 C. civ.). Tel est le principe, lequel est assorti de plusieurs exceptions : en effet, l’unanimité des partenaires est requise pour les aliénations à titre gratuit (art. 1422 C. civ.) ainsi que pour les aliénations ou constitutions de droits réels sur les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de l’indivision, ainsi que sur les droits sociaux non négociables et les baux sur un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal (art. 1423 C. civ.). Une restriction s’y ajoute : le partenaire ne peut disposer seul des meubles corporels que pour les besoins de l’exploitation normale des biens indivis ou s’il s’agit de choses difficiles à conserver ou périssables (art. 1873-6 in fine C. civ.)

 

---        d’autre part, certains acquêts échappent toujours à l’indivision. La liste en est donnée à l’art. 515-5-2 C. civ. Elle est limitative. Selon ce texte, demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire : 1°. Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ; 2°. Les biens créés et leurs accessoires ; 3°. Les biens à caractère personnel ; 4°. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ; 5°. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ; 6°. Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation. Un dernier alinéa précise que l’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition. A défaut, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires.

 

-           Ces nouvelles règles s’appliquent bien évidemment aux PACS conclus après le 1er janvier 2007. Pour ceux conclus antérieurement à cette date, les partenaires restent soumis aux anciennes règles posées par la loi du 15 novembre 1999. Ils peuvent néanmoins signer une convention modificative dans laquelle ils choisissent de placer leurs biens sous l’un des régimes prévus par la loi du 23 juin 2006 (art. 47-V, loi du 23 juin 2006).

 

 

6. Consécration d’un droit temporaire au logement au profit du partenaire survivant

 

-           Le nouvel art. 515-6 al. 3 C. civ. accorde au partenaire survivant un droit temporaire au logement : le partenaire survivant peut se prévaloir des dispositions de l’art. 763 al. 1 et 2 C. civ. Celles-ci lui accordent de plein droit, pendant l’année qui suit le décès de son partenaire, la jouissance gratuite du domicile commun, ainsi que du mobilier qui le garnit. Des conditions sont cependant fixées : le partenaire survivant doit avoir occupé ce logement de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès. Et si son habitation est assurée au moyen d’un bail à loyer, les loyers lui en seront remboursés par la succession pendant l’année, à fur et à mesure de leur acquittement.

 

-           Cette nouvelle règle a fait l’objet d’un large consensus au sein du Parlement. Chacun convenait qu’il était normal que le partenaire survivant, dans une période de deuil, ait le temps de s’organiser et de trouver un autre logement. L’objectif est louable. Il contribue à l’alignement du Pacs sur le mariage. Le rapprochement s’arrête cependant là. A aucun moment, le législateur n’a souhaiter accorder au partenaire survivant un droit légal dans la succession du partenaire prédécédé. De même, il a refuse de lui reconnaître un quelconque droit viager sur le logement commun (Un amendement 274 tendait à étendre au partenaire survivant le bénéfice du droit viager reconnu au conjoint survivant par les articles 764, 765 et 766 C. civ. Il n’a cependant pas été adopté dans la mesure où il opère un rapprochement « trop important » avec les droits traditionnels des époux. Il a été rejeté par 40 voix contre 9. V. JOAN, Débats du 22 février 2006).

 

 

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-           Pour terminer mon intervention, je voudrais simplement signaler aux praticiens une décision importante rendue par la Cour de cassation dans le domaine particulier de la prestation compensatoire (et je précise que les questions relatives au divorce seront traitées en profondeur lors d’une prochaine demi-journée d’actualités) : par deux arrêts rendus le 25 avril 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé clairement que le concubinage de l’un des époux doit être pris en considération tant au stade de la détermination initiale de la prestation compensatoire qu’au stade de son éventuelle révision. S’agissant de la détermination initiale, les juges doivent rechercher l’incidence des revenus du concubin sur la disparité éventuellement créée par la dissolution du mariage. Le même raisonnement doit être fait en matière de révision.