Les droits de l’enfant

 

 

par Isabelle CORPART,

Maître de conférences, HDR, à l’Université de Haute Alsace,

CERDACC (EA 3992, UHA),

Membre du Comité national de parrainage d’enfant

 

 

« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris » (Victor Hugo, Les feuilles d’automne) et il faut, comme nous l’avons vu instituer sa filiation et le faire entrer dans sa famille. Mais il faut aussi s’attacher à la reconnaissance et à l’effectivité de ses droits.

Près de vingt ans après le vote de la Convention internationale des droits de l’enfant, la question devrait être entendue (Le droit et les droits de l’enfant, n° 6, Centre d’étude et de recherches sur les contentieux, Université du Sud, L’Harmattan 2007 ; L’enfant dans le système administratif et judiciaire, Informations sociales n° 140, juin 2007 ; I. Corpart, Les droits de l’enfant, supplément ASH mars 2006 ; I. Corpart et M. Lobe Lobas, L’histoire du droit des enfants. Une construction récente perfectible, in Une Histoire du Droit et de la Justice en France [sous la direction d’Eve François], Prat-Europa Eds 2007, 373). Pourtant l’analyse des lois et des arrêts récents montre que la matière est perfectible ; l’enfant est à nouveau au cœur de plusieurs réformes (La question est d’importance car selon les derniers chiffres de l’INSEE, la France reste en tête des pays européens en matière de fécondité en 2007).

 

La question de l’âge du mineur n’a pas été remise en question malgré des débats réguliers autour d’une éventuelle pré-majorité (ou d’une majorité anticipée) et malgré l’introduction de seuils d’âge appelant souvent le mineur à donner son consentement (pour une adoption, un changement de nom, un prélèvement de moelle osseuse…) La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs se contente de modifier la numérotation des textes de référence (JO du 7 mars 2007). A compter du 1er janvier prochain, l’article 488 du Code civil qui détermine l’âge de la majorité va devenir l’article 414, son libellé étant quelque peu retouché : « La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance ».

 

L’enfant est un individu à part entière qui a droit à la parole, peut s’exprimer, émettre des choix et donner son sentiment. En tant que sujet de droit, il mérite toute notre attention. Mais c’est aussi un sujet vulnérable, faible et démuni, qui en tant que tel mérite d’être protégé.

 

§ I - L’enfant mérite attention

 

L’accès au droit par le mineur est une affaire entendue (S. Guinchard, L’accès des mineurs au droit ou l’illustration d’une démocratie qui se cherche, Ecrits rédigés en l’honneur de J. Foyer, Le monde du droit, Economica 2008, 517). Même un fœtus de quelques semaines ou d’un faible poids se voit reconnaître certains droits puisque mention peut être faite de son existence dans un acte d’enfant sans vie (C. civ., art. 79-1, al. 2) (Civ. 1ère 6 février 2008, JCP 2008, II, 10045, note G. Loiseau ; Dr. fam. mars 2008, comm. n° 34 obs. P. Murat ; RJPF 2008-4/12, obs. F. Sauvage).

 

« Si l'enfance est le sommeil de la raison [...] je suis cependant bien éloigné de penser que les enfants n'aient aucune espèce de raisonnement. Au contraire, je vois qu'ils raisonnent bien dans tout ce qu'ils connaissent et qui se rapporte à leur intérêt présent et sensible ». Ces propos de Jean-Jacques Rousseau dans L'Emile (p. 132) sont toujours d’actualité. L’enfant est de plus en plus associé aux décisions susceptibles d'exercer une influence sur sa situation personnelle, ce que nous vérifierons en montrant combien la notion d’intérêt de l’enfant (érigée en critère de référence depuis longtemps mais introduit dans les textes relatifs à l’autorité parentale seulement par la loi du 4 mars 2002) et de droit à la parole sont aujourd’hui centrales. Donner des droits à l’enfant c’est aussi l’insérer dans sa famille et nous prolongerons quelque peu les propos de Mme Granet sur ce point.

 

  1. La recherche de l’intérêt de l’enfant

 

(A mettre en parallèle avec les questions relatives à l’adoption et aux mères porteuses abordées dans l’exposé de Mme Granet).

 

Nous traiterons ici de la loi relative à la protection de l’enfance et suivrons son fil conducteur, lié à la prise en compte de l’intérêt de l’enfant. La Cour européenne utilise depuis 1996 la notion d’intérêt supérieur de l’enfant contenue dans l’article 3-1 de la CIDE en tant que critère d’appréciation des mesures prises par les Etats (A. Gouttenoire, La Convention internationale des droits de l’enfant dans la jurisprudence de la CEDH, Ecrits rédigés en l’honneur de J. Foyer, Le monde du droit, Economica 2008, 495). La preuve de l’efficacité de ce critère n’est plus à faire et il doit être mis en bonne place dans une réforme axée sur l’enfance.

 

1)      Le recentrage sur l’intérêt de l’enfant dans le Code civil

 

L’article 371-4 du Code civil a été retouché par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale et il vient de l’être encore par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance, loi d’application immédiate (JO du 6 mars 2007 ; La réforme de la protection de l’enfance, JDJ-RAJS n° 263, mars 2007, 21 ; S. Bernigaud, Les enjeux de la réforme de la protection de l’enfance, Dr. fam. juin 2007, étude 23 ; L. de Broissia, La réforme de la protection de l’enfance : un projet de loi qui encourage et sécurise les pratiques innovantes développées par les conseils généraux depuis la décentralisation, AJ famille 2007, 77 ; F. Eudier et P. Chamboncel-Saligue, La réforme de la protection de l’enfance : le défi de la coopération, RJPF 2007-11/11 et 12/10 ; A. Gouttenoire-Cornut, La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance : à la recherche de nouveaux équilibres, D. 2007, chron. 1090 ; R. Lafore, Les montages institutionnels de la protection de l’enfance : entre justice et administration, RDSS 2007-1, 15 ; J.-M. Lhuillier, La protection de l’enfance, supplément ASH, décembre 2007 ; C. Neirinck, L’enfant, être vulnérable, RDSS 2007-1, 5 ; J.-P. Rosenczveig, Une rénovation de la protection de l’enfance au service des enfants, AJ famille 2007, 57 ; P. Naves [sous la dir de], La réforme de la protection de l’enfance, une politique en mouvement, Dunod 2007).). Elle revient sur le droit de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants après la loi de 2002 qui lui a donné un droit personnel de maintenir des liens avec, non plus seulement ses grands-parents, mais tous ses ascendants. Subsistait la possibilité pour les père et mère d’invoquer « des motifs graves » pouvant faire obstacle à ce droit. La nouvelle formulation met désormais l’accent sur l’enfant : « seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit ».

On retrouve également référence à l’intérêt de l’enfant dans l’article 388-1 sur lequel nous reviendrons plus loin, l’enfant entendu par le juge ou « lorsque son intérêt le commande » ou encore, dans l’article 375-7 car le juge des enfants peut exceptionnellement, dans tous les cas où l’intérêt de l’enfant le justifie, autoriser la personne, le service ou l’établissement à qui est confié l’enfant à exercer un acte relevant de l’autorité parentale.

 

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs fait de même de l’intérêt de l’enfant le critère fondamental de la composition du conseil de famille (à compter cette fois du 1er janvier 2009).

 

2)      Le recentrage sur l’intérêt de l’enfant dans le Code de l’action sociale et des familles

 

Le législateur insère dans le Code de l’action sociale et des familles l’article L. 112-4 qui définit l’intérêt de l’enfant devant guider toute décision le concernant : « L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux, affectifs, ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant ».

Dans le même esprit, l’article L. 221-1 précise qu’il faut veiller « à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec d’autres personnes soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur ». Tout le dispositif de protection sur lequel nous reviendrons plus loin s’inscrit dans cette perspective.

 

  1. La parole de l’enfant : de l’audition de l’enfant proposée à l’audition imposée

 

Avec la judiciarisation du droit de la famille et l'élaboration de décisions organisatrices de la vie de l'enfant, ce dernier est de plus en plus présent dans les procédures judiciaires et il participe à la vie de la famille (I. Corpart, La parole de l’enfant, RRJ, Revue de droit prospectif 2005/4, 1809 ; A. Gouttenoire, L’enfant dans les procédures judiciaires : un statut en devenir, AJ famille 2003, 368).  La réforme relative à la protection de l’enfance apporte quelques réaménagements.

 

1)      L'audition de l'enfant : un droit pour l’enfant

 

Généralisée à toutes les procédures visant l'enfant par la loi du 8 janvier 1993 (C. civ., art. 388-1), l'audition de l'enfant par le juge lui permet de prendre en considération les sentiments du mineur. Il faut toutefois permettre à l’intéressé de s’exprimer tout en le laissant à l’abri de la procédure et « sans lui laisser la responsabilité de ses choix » (M. Juston, Le juge aux affaires familiales et l’évolution de la famille. Nouvelles lois, nouvelles pratiques ?, Gaz. Pal. des 4 et 5 avril 2008, 2).

 

Pas toujours utilisée à bon escient en pratique, semble-t-il (parce que pour certains praticiens « ce pouvoir donné à l’enfant, au lieu de le structurer, de l’aider, de la protége, très souvent le fragilise et l’affaiblit », M. Juston, préc.), l'audition de l'enfant devait être réformée. Elle ne fait pas de lui une partie à la procédure. Toute l'originalité de la situation tient dans ce que l'enfant entendu est physiquement présent dans la procédure sans bénéficier d'aucun pouvoir d’agir. L'avis qu'il donne au juge constitue seulement un élément de fait parmi d'autres.

L’audition du mineur renforcée par la reconnaissance de l'applicabilité directe de l'article 12-2 de la Convention internationale des droits de l'enfant (Civ. 1ère 18 mai 2005, n° 02-20.613, JCP 2005, note F. Granet-Lambrecht et Y. Strickler ; AJ fam. 2005. 274, obs. R. Fossier ; D. 2005, 1909, note V. Egéa ; RTD civ. 2005, 585, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2005, comm. n° 156, A. Gouttenoire) connaît un regain d’intérêt avec la réforme de 2007.

En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, le juge ne peut plus refuser la demande faite par un enfant d’être auditionné. On mesure l’ampleur du changement car l’enfant se voit ainsi reconnaître un véritable droit d'être entendu en justice alors que les textes antérieurs ne lui accordaient que le droit de solliciter une audition pouvant être refusée par le juge. Encore faut-il noter que l’obstacle de l'absence de discernement perdure.

« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.

Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne.

L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.

Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat ».

 

Quant aux modalités, le magistrat doit s’assurer que le mineur a été informé de son droit à être entendu – éventuellement par ses parents - (C. civ., art. 388-1, al. 4). En principe, c’est le juge qui entend l'enfant : il ne délègue ce pouvoir d'audition que si l'intérêt de l'enfant l'exige (al. 1er in fine). L’enfant peut être entendu par un avocat, un psychiatre, un psychologue, un médiateur… Selon les termes d’une circulaire de la direction des Affaires civiles et du Sceau du 16 mars 2007, il faudrait que la décision précise que « cette modalité du recueil de la parole du mineur constitue une audition au sens de l'article 388-1 du code civil et qu'elle a été choisie en raison des pressions exercées sur l'enfant, susceptibles de compromettre son équilibre psychologique, et impliquant l'intermédiation d'un professionnel qualifié ».

 

On peut enfin se demander si l’enfant est obligé de se rendre à l’invitation du juge.

L’hésitation provient de l’introduction dans l'article 388-1 du code civil d’une nouvelle formule : « lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus » (al. 2). Faut-il en déduire que le juge peut imposer quoi que ce soit au mineur ? Ce serait contraire à l’esprit de la loi. L'audition doit permettre à l'enfant, juridiquement incapable et qui n’est pas partie à la procédure, de donner un avis sur une décision qui le concerne et de faire entendre sa volonté. Elle ne peut donc relever que du seul souhait de l'enfant (en ce sens A. Gouttenoire et L. Brunet, Droits de l’enfant, D. 2007, 2192). C’est aux avocats que reviendra d’expliquer à leurs jeunes clients quels sont leurs droits en ce domaine.

 

2)      L’audition de l’enfant et ses écueils

 

Le texte actuel ne lève pas toutes les difficultés (V. Avena-Robardet, L’audition de l’enfant : casse-tête pour les juges, AJ famille 2007, 371). Ainsi, dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 septembre 2007 (RLDC 2007/43 n° 2750 ; AJ famille 2007, 432, obs. J.-B. Thierry ; JCP 2008, II, 10026, note A. Zelcevic-Duhamel), une enfant en bas âge avait indiqué à une assistante sociale son désir d’être entendue par le juge et cette demande avait été transmise au magistrat. Ce dernier a estimé que ce courrier ne suffit pas à le saisir officiellement de la requête de la mineure, raisonnement validé par la Cour de cassation.

« Mais attendu que la demande d'audition du mineur doit être présentée au juge par l'intéressé ; que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre, par une décision spécialement motivée, à une attestation rédigée par un tiers faisant indirectement état du souhait de l'enfant d'être entendu… »

Cette décision soulève la question des modalités selon lesquelles la demande d’audition doit être présentée et limite la portée de la réforme. Comment un jeune enfant peut-il saisir le juge s’il n’est pas en mesure d’adresser un courrier sous sa plume ?

Si en plus d'être doué de discernement et concerné par la procédure, l’enfant doit présenter sa demande directement, cela repousse en réalité l'âge auquel il pourra être entendu et constitue un frein important à son audition.

Rappelons néanmoins que l’enfant doit être seulement entendu, ce qui ne signifie pas nécessairement être écouté et encore moins satisfait dans ses attentes.

 

En matière pénale, lorsque l’enfant est victime, le recueil de sa parole et l’exploitation de ses propos sont encore plus difficiles à appréhender, a fortiori depuis les méfaits de l’affaire d’Outreau mais cette étude nous mènerait trop loin. Disons simplement qu’il appartient au juge de trouver un juste milieu entre la sacralisation des propos de l’enfant et leur diabolisation. La parole de l’enfant ne doit être ni un « sésame ouvre-toi », ni un facteur de désordre social.

 

(Voir aussi en 2007 la Circulaire de la DACS n° 2007-06 du 16 mars 2007 relative à l'audition de l'enfant pour l'application du règlement « Bruxelles II bis » concernant les décisions sur la responsabilité parentale).

 

  1. Le renforcement des droits de l’enfant dans sa famille

 

1)      Les relations de l’enfant avec ses père et mère

 

a- Les relations de l’enfant avec ses parents en cas de séparation du couple,

La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance introduit un droit de visite et d’hébergement au profit du parent titulaire de l’autorité parentale mais qui ne cohabite pas avec l’enfant. Cette modalité n’était prévue que dans le cadre d’un exercice unilatéral de l’autorité parentale ; elle est élargie (C. civ., art. 373-2-9). Cette modification permet de valider la pratique qui attribuait à l’un des parents la résidence habituelle (à défaut de résidence alternée), accordant à l’autre un droit de visite et d’hébergement. Cet ajout nous paraît toutefois regrettable car les deux parents ne sont plus mis à égalité contrairement à ce que la consécration de la coparentalité laissait entendre (loi de 2002) : un simple droit de visite donne des droits résiduels (I. Corpart, L’autorité parentale, ASH, 2003).

Le  cas échéant, ce droit de visite peut être organisé dans un lieu de rencontre neutre pour que les liens de l’enfant avec ses deux parents puissent être maintenus en toutes situations (C. civ., art. 373-2-1, al. 2).

 

b - Les relations avec les parents en cas de placement de l’enfant

Les parents dont l'enfant fait l'objet d'un placement au titre de l'assistance éducative restent titulaires d'un droit de visite et d'hébergement dont les modalités relèvent de la compétence du juge des enfants (art. 375-7 C. civ., Placement de l’enfant, AJ famille février 2007, 54). Ce dernier ne peut pas déléguer ce pouvoir au service à qui l'enfant a été confié. Cassation d’un arrêt qui avait accordé au père, alors incarcéré, « un droit de visite en milieu protégé en présence d'une tierce personne » sans définir la périodicité du droit de visite accordé (Civ. 1ère 13 mars 2007, AJ famille 2007, 231, obs. F. Chenédé ; RTD civ. 2007, 329, obs. J. Hauser). Dans le même esprit, la loi du 5 mars 2007 précise que le juge qui prend la mesure de placement doit décider de « la nature et de la fréquence des droits de visite et d'hébergement » (C. civ., art. 375-7). Toutefois, et c’est nouveau, « le juge peut décider que leurs conditions d'exercice sont déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié, dans un document qui lui est alors transmis. Il est saisi en cas de désaccord ». Dans les situations les plus délicates, le juge des enfants peut aussi « décider que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers désigné par l'établissement ou le service à qui l'enfant est confié », entérinant ainsi la pratique.

 

On relèvera encore que pour faciliter la prise en charge des enfants placés, et lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie, le juge des enfants peut autoriser la personne, le service ou l'établissement à qui il a été confié, d'accomplir un acte relevant de l'autorité parentale en cas de refus abusif ou de négligence des détenteurs de l'autorité parentale (C. civ., art. 375-7). Ce tiers aura le pouvoir d'accomplir, outre des actes usuels, des actes plus importants pour lutter contre l’éventuelle inertie des parents ou contrer leur opposition.

 

2) Les relations avec d’autres membres de la famille ou proches

 

En cas de placement, le maintien des liens de l'enfant avec sa famille passe par le choix d'un lieu d'accueil de l'enfant facilitant l'exercice du droit de visite et d'hébergement par le ou les parents et le maintien de ses liens avec ses frères et sœurs (modification de l’article 375-7 C. civ.). On retrouvera ici l’esprit de l’article 371-5 du Code civil.

Les relations avec les grands-parents ont également été modifiées car désormais le droit de l'enfant d’avoir des relations avec ses ascendants ne pourra être écarté que lorsque l'intérêt de l'enfant le commandera et non plus en cas de « motifs graves » comme dans la rédaction antérieure (C. civ., art. 371-4).

 

Il se peut aussi que des liens se tissent avec les familles d’accueil. L’aide sociale à l’enfance doit tout mettre en œuvre pour préserver les liens d’attachement de l’enfant avec ces familles, notamment pour lui redonner la stabilité qui lui fait défaut : ces liens doivent être « maintenus, voire développés dans son intérêt supérieur » (CASF, art. L. 221-1).

 

3) Les relations avec les tiers

 

D’autres réflexions peuvent être menées pour tendre à la construction d’un lien de droit entre l’enfant et le beau-parent. Voir sur ce point l’intervention de Mme Granet.

 

Prendre conscience des besoins de l’enfant, de ses différences, de son jeune âge, de son droit de s’exprimer, (de son droit à acquérir la nationalité française - modifications apportées à l’attribution de la nationalité pour les mineurs par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ; de la protection due plus particulièrement aux mineurs isolés étrangers, voir en particulier le rapport 2007 du Défenseur des enfants ; de son nom de famille, voir l’intervention de Mme Granet et les modifications annoncées dans la loi de ratification de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005), c’est déjà anticiper sur les mesures qui organisent sa protection.

 

 

§ II - L’enfant mérite protection

 

En matière internationale, il convient de signaler un évènement très important en 2007 avec la ratification de la Convention européenne sur l’exercice des droits par les enfants. La loi n° 2007-1155 du 1er août 2007 (JO du 2 août 2007) a autorisé l’approbation de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants. Signée en 1996, cette Convention tardait à être ratifiée.

La loi de ratification vise à compléter la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, en mettant l'accent sur l'exercice des droits des enfants lors des procédures familiales qui se déroulent devant un tribunal, en veillant plus particulièrement à ce qu'ils puissent exprimer leur opinion dans les procédures qui les concernent directement (V. Avéna-Robardet, Avancées dans le processus de ratification de trois conventions, AJ famille 2007, 337 ; N. Fricero, Ratification de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants : une promotion des droits procéduraux des moins de 18 ans, RJPF 2008-1/10). A cet égard, après la modification par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 de l’article 388-1 du Code civil analysé ci-dessus, notre droit est maintenant en harmonie avec les textes européens.

Une petite réserve pourrait toutefois être faite dans la mesure où la convention semble exiger non seulement que l’enfant puisse être entendu, mais aussi qu’il puisse saisir lui-même le juge, ce qui est impossible au regard de l’article 388-1 du Code civil mais devrait être autorisé en arguant de la supériorité du Traité européen sur le droit interne (F. Dekeuwer-Défossez, Panorama 2007, Personnes et famille, RLDC 2008).

Au moment de la ratification, le gouvernement a dû déclarer au moins trois catégories de litiges familiaux dans lesquels les enfants auraient l’exercice de ces droits. L’objectif est atteint car selon l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement entend en faire application dans cinq catégories de litiges familiaux : les procédures relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, à la détermination de la résidence de l'enfant, à l'organisation des rencontres des titulaires de l'autorité parentale avec l'enfant, aux modalités du lien de l'enfant avec des tiers et en matière d'assistance éducative.

Pour lever toute ambiguïté sur la notion de « détenteurs des responsabilités parentales » définie par l'article 2 de la Convention, le Gouvernement entend également exclure, par une déclaration interprétative, les services ou les tiers qui accueillent les enfants dans le cadre des procédures d'assistance éducative et qui ne sont pas pour autant détenteurs de l'autorité parentale, celle-ci continuant en principe d'être exercée par les parents (C. civ., art. 375-7).

 

(Il faut aussi signaler la loi n° 2007-1161 du 1er août 2007 [JO du 2 août 2007] autorisant l'adhésion de la France à la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 signée le 1er avril 2003, relative à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. Elle permet notamment de déterminer l'Etat dont les autorités sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de la personne ou des biens de l'enfant et de faciliter l'exécution de ces mesures dans tous les Etats contractants.)

 

La représentation du mineur incapable (souvent dénoncée comme aboutissant à l’exclusion de l’enfant des actes le concernant) est loin d’être la seule technique qui assure la protection de l’enfant.

Sans pouvoir être exhaustif, nous allons mesurer les apports de 3 lois en date du 5 mars 2007, toute la difficulté étant de les concilier, notamment parce que deux textes renforcent la protection de l’enfance tandis que l’autre vient réprimer le comportement de certains mineurs (dans son rapport rendu public en janvier 2008, l’ONED souligne « les zones de chevauchement » entre les textes et la « difficile lisibilité de leurs articulations »).

 

  1. L’effort de protection des mineurs dans la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à l’enfance

 

Ce texte introduit des changements majeurs pour les praticiens oeuvrant dans le domaine de la protection de l’enfance et plus spécialement en droit de la famille ou en droit pénal (en réalité six codes se trouvent modifiés).

 

1)      Le dispositif de protection de l’enfance rénové

 

Cette loi réforme la protection de l’enfance après une demi-douzaine de rapports (plus l’Appel des cent, lancé le 28 septembre 2005 par Jean-Pierre Rosencvzeig et Claude Roméo).

Parmi les points forts de cette loi, il faut relever le recentrage du dispositif de protection face aux situations de danger sur le Conseil général.

Jusque là, le système de protection était riche mais complexe avec la coexistence d’une sphère éducative et d’une sphère judiciaire. Ce dédoublement n’était pas sans poser de problèmes et le recours à la justice était trop fréquent. Un nouvel agencement est mis en place par la loi. Elle donne au Conseil général une compétence de principe. La protection judiciaire est subsidiaire et complémentaire. Pour que le juge puisse intervenir dans le processus, il faut que l’on se trouve dans des situations caractérisées, ce que le ministère public doit vérifier : « il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 CASF » (voir aussi C. civ., art. 375). Le recours à l'autorité judiciaire, par l'intermédiaire du procureur de la République et du juge des enfants, n'est envisageable que lorsque l'intervention du service de l'Aide sociale à l'enfance a été impossible ou inefficace pour faire cesser l'état de danger dans lequel se trouve l'enfant ou lorsqu'elle s'est heurtée à l'opposition de ses représentants légaux. De nombreux cas relevant du juge des enfants vont être basculés aux services sociaux.

 

Autre élément à signaler : la loi inscrit la protection de l’enfance dans le Code de l’action sociale et des familles (livre I, Titre I, chapitre 2 politique familiale), en l’élevant au rang de politique familiale à part entière aux côtés des prestations familiales, des allocations d’aide sociale ou autres. Elle est définie par l’article L. 112-3 du Code de l’action sociale et des familles : « La protection de l’enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs ».

 

2)      La notion d’enfant en danger

 

L’article 375 du Code civil est complété afin de considérer qu’est en danger un mineur si les conditions « de son développement physique, affectif, intellectuel et social » sont gravement compromises. Dans le Code de l’action sociale et des familles, la notion d’enfant en danger est substituée à celle d’enfant maltraitée issue de la loi du 19 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements des mineurs et à la protection de l’enfance pour une meilleure cohérence avec le Code civil.

 

a - La phase de prévention

La prévention est le leitmotiv de la réforme : le législateur déploie de nombreux efforts pour agir en amont sur les situations de danger (Dossier Enfance en danger, enfance dangereuse, RDSS 2007, 3). Pour ce faire, il met en place dans chaque département un Observatoire départemental de la protection de l’enfance placé sous l'autorité du président du conseil général. Y siègent des représentants des services du conseil général, de l'autorité judiciaire dans le département et des autres services de l'Etat, des représentants de tout service et établissement qui participe ou apporte son concours à la protection de l’enfance et des représentants des associations qui y concourent. Après avoir recueilli et examiné diverses données, il peut faire des propositions relatives à la politique à mener dans le domaine de l’enfance.

 

En terme de prévention, sans pouvoir entrer dans les détails, on montrera l’effort accompli dans le domaine de la protection maternelle et infantile avec une meilleure surveillance des femmes enceintes et des jeunes enfants. Les consultations et les actions de prévention médico-sociale sont démultipliées. Une formation des professionnels aux questions liées à la protection de l'enfance en danger est également annoncée.

Surtout la loi améliore le dispositif de signalement. Toute personne intervenant dans ce domaine est tenue de transmettre le dossier d’un enfant dont la situation est préoccupante au président du Conseil général. Ses services font alors procéder à une évaluation du danger, préconisant les mesures adéquates pour le mineur et éventuellement sa famille.

Un texte très important permet la circulation des informations recueillies au travers du « secret partagé » : « par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l’enfance ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l’enfance » (CASF, art. L. 226-2-2). Les personnes antérieurement soumises au secret professionnel vont pouvoir utilement communiquer leurs dossiers à d’autres professionnels, dans un cadre strict afin d’éviter tous dérapages.

 

b- La phase de mise en œuvre de la protection

Les mesures de protection offertes aux enfants et à leurs familles sont modernisées et multipliées. Pour éviter des placements traumatisants et impliquer davantage les parents, la loi développe des formes d'assistance éducative à domicile et explore de nouvelles pistes pour trouver des placements qui préservent les relations familiales quand elles méritent de l’être (I. Corpart, Placement et droits de l’enfant, AJ famille février 2007, 66 ; J.-P. Rosencveig, préc.).

Pour assouplir le système, le législateur diversifie aussi les moyens d'intervention des services sociaux, validant des expériences menées sur le terrain : accueil à la journée, accueil ponctuel, adaptation de la durée et des modalités aux attentes familiales… En période de crise (fugue, tentative de suicide, violences…), la loi autorise un service à héberger un mineur à titre exceptionnel ou périodique, sous réserve d'en informer ses représentants légaux, le juge des enfants et le président du Conseil général (C. civ., art. 375-2).

Ce dispositif s’inscrit dans un « projet pour l’enfant » élaboré par les services départementaux et les titulaires de l'autorité parentale (CASF, art. L. 223-1). Par là même, il s’agit de recenser les différentes actions proposées et leurs modalités, désigner un référent chargé de garantir la continuité et la coordination de ces actions et maintenir les relations entre l'enfant et ses parents pendant la période d'exécution des mesures.

Pour tout placement sur décision judiciaire, l’Aide sociale à l’enfance doit présenter au juge un rapport portant sur la santé physique et psychique du mineur, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations familiales. Il est porté à la connaissance du père, de la mère ou de toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou encore du tuteur.

 

Le champ d'application de l'assistance éducative a aussi été élargi. Depuis la loi relative à la protection de l’enfance, le juge des enfants est compétent dès lors que la santé ou la moralité d'un enfant sont en danger ou que les conditions de son éducation sont gravement compromises, mais également si les conditions de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont affectées (C. civ., art. 375) (A. Gouttenoire et L. Brunet, Droits de l’enfant novembre 2005 - mars 2007, D. 2007, 2192 ; S. Melis-Maas, Une réforme attendue : la protection de l’enfance en danger, JCP 2006, I, 200). Sont désormais englobés dans la catégorie des enfants en danger – et protégés – des enfants soumis à des conditions de vie difficiles, notamment sur le plan psychologique mais qui ne sont pas véritablement victimes de maltraitances (enfants soumis à des pressions parentales, mineurs socialement isolés ou privés temporairement de protection…)

On notera également que les mesures éducatives ne peuvent pas excéder deux ans (C. civ., art. 375, al. 3), sauf, innovation de la loi, « lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques… » (al. 4).

 

3)      Les questions relatives à l’obligation alimentaire

 

Le contentieux relatif aux obligations alimentaires est de plus en plus important. La réforme de la protection de l’enfance revient sur une disposition issue de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 (JO du 4 janvier 2004) et abrogée par l’ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005 (JO du 2 décembre 2005). La déchéance de l’obligation alimentaire due par les enfants aux parents lorsqu’ils sont été placés hors de la maison familiale pendant plus de 36 mois avant leur 12ème anniversaire est effectivement réintroduite (CASF, art. L. 132-6). Le principe posé en 2004 est repris mais quelque peu modifié s’agissant des modalités de mise en oeuvre.

 

Parallèlement, en jurisprudence, on peut relever que si les parents ne parviennent jamais à obtenir la suppression du devoir d’entretien dû aux enfants mineurs, la Cour de cassation a admis une déchéance pour un enfant indigne, majeur relativement âgé, dans la mesure où il demandait une pension alimentaire et non l’exécution d’une obligation d’entretien (Civ. 1ère 18 janvier 2007, n° 06-10.833, RJPF 2007-3/43, obs. S. Valory).

 

  1. L’effort de protection des mineurs dans la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs

 

La loi consacrée aux majeurs protégés a des incidences notables sur le sort des enfants (Th. Fossier, La réforme de la protection des majeurs. Guide de lecture de la loi du 5 mars 2007, JCP G 2007, I, 118 ; A. Karm, La sécurité patrimoniale du mineur et du majeur en tutelle, dr. fam 2007, étude 18 ; La réforme des tutelles, AJ famille 2007, 160 et 198).

 

1)      Concernant la mise en place du conseil de famille et le choix du tuteur

 

La réforme s’attache à la situation des enfant pour lesquels l’ouverture d’une tutelle s’impose (avec des regrets : I. Tardy-Joubert, L’administration légale des biens des mineurs : un droit aux oubliettes ?, Dr. fam. 2007, étude 22).

Rappelant l’équilibre entre les acteurs de la protection des mineurs, la loi précise que « la tutelle, protection due à l’enfant, est une charge publique. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique » (C. civ., art. 394 nouveau).

 

La tutelle des ascendants disparaît à compter du 1er janvier prochain. « S’il n’y a pas de tuteur testamentaire ou si celui qui a été désigné en cette qualité vient à cesser ses fonctions, le conseil de famille désigne un tuteur au mineur » (C. civ., art. 404 ; abrogation de l’actuel article 402). Les grands-parents ou autres ascendants ne seront certes pas évincés des conseils et pourront être tuteurs ; pour autant il n’y aura plus d’automatisme en la matière afin de laisser une plus grande liberté au juge des tutelles. Le choix du tuteur devrait pouvoir être fait en meilleure adéquation avec la personnalité du mineur, ses besoins et ses attentes.

La constitution du conseil de famille est modifiée. Le nombre normal de membres passe de « 4 à 6 » à « au moins 4 » (C. civ., art. 399 nouveau).

La délicate procédure de destitution du tuteur est supprimée (C. civ., art. 406 actuel) et la tutelle ne passera plus du tuteur défunt à son conjoint.

 

2)      Concernant le fonctionnement de la tutelle

 

La réforme n’a pas modifié fondamentalement la possibilité pour le tuteur d’accomplir les actes de la vie civile – il y a des modifications concernant l’exercice des droits personnels -  (mais on est dans l’attente des décrets d’application). On notera cependant que dans un souci d’harmonisation et de meilleure lisibilité, elle aborde conjointement en un seul titre le dispositif de gestion des biens des mineurs sous tutelle et des majeurs protégés sous tutelle (Titre XII du Livre 1er : « De la gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle »). Partant la numérotation est affectée par le changement.

La réforme opère également un renforcement des règles liées à la tenue et à la vérification des comptes (C. civ., art. 510 et s. nouveaux).

 

3)      Concernant l’émancipation du mineur

 

La loi vient encore modifier la numérotation d’autres articles du Code civil relatifs aux enfants, notamment en qui concerne leur émancipation (C. civ., art. 413-1 à 413-8 nouveaux).

A propos du mandat de protection future, grande nouveauté de la réforme, on peut relever aussi qu’un mineur émancipé ne faisant pas l’objet d’une tutelle pourra charger une ou plusieurs personnes de le représenter au cas où il ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles (C. civ., art. 477 nouveau).

 

  1. Les dispositions relatives à la délinquance des mineurs dans la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007

 

Prolongeant la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 venue instituer les sanctions éducatives, les établissements spécialisés pour mineurs et les centres éducatifs fermés, la loi du 5 mars 2007 (JO du 6 mars 2007) traduit la volonté du législateur d’apporter une réponse plus rapide et mieux ciblée à la délinquance des mineurs sur fond de tolérance zéro (Ph. Bonfils, Les dispositions relatives au droit pénal des mineurs délinquants dans la loi prévention de la délinquance, D. 2007, chron. 1027 ; M. Lobe Lobas, Les dispositions relatives à la prévention de la délinquance des mineurs de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 tendant, RJPF 2007-6/14 ; J. Rochfeld, Autorité parentale ? Prévention de la délinquance, Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, RTD Civ. 2007, 408).

Pour prévenir les actes répréhensibles, la loi renforce la place attribuée au maire, responsable de proximité. D’une part, il est informé par le procureur de la République des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites et des jugements ; d’autre part, il anime et coordonne la politique de prévention. Dans les communes de plus de 10 000 habitants est mis en place un Conseil pour les droits et devoirs des familles (CASF, art. L. 141-1). Chargé d’entendre les familles en les informant de leurs droits et devoirs et en leur adressant d’éventuelles recommandations, il est aussi tenu d’examiner la mesure d’accompagnement parental préconisée. Le maire peut saisir le juge des enfants afin de lui signaler les familles en difficulté (C.civ., art. 375-9-2). Il peut aussi désigner un coordonnateur parmi les différents professionnels appelés à intervenir dans le suivi d’un même enfant. Lorsqu’il apparaît qu’un mineur semble être en danger conformément à l’article 375 du Code civil, le coordonnateur doit en informer le président du Conseil général (CASF, art. L. 121-6-2, al. 2).

 

En matière de prévention de la délinquance des mineurs, la loi redéfinit le rôle du Procureur de la République, précise la compétence des conseils généraux et régionaux, le premier dans le domaine de l’action sociale, le second quant à la formation et crée l’Agence nationale pour la cohésion sociale.  Cependant, dans son nouveau dispositif de lutte, elle aggrave les règles du droit pénal et de la procédure pénale quant au choix des mesures pouvant être prononcées par le juge et les pouvoirs du juge et semble à contre-courant des autres réformes analysées.

 

D’autres points devraient encore être développés, notamment s’agissant de la récidive des mineurs (voir notamment M. Lobe Fouda, La récidive des majeurs et des mineurs : de nouvelles mesures... déjà jugées insuffisantes, LPA n° 178 du 5 septembre 2007, 3, avec notamment le nouveau régime de l’application des peines applicables aux mineurs).

 

On notera enfin l’installation de la commission de réforme de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante le 15 avril dernier. Le Garde des Sceaux souhaite une refondation de la justice pénale des mineurs et une réflexion approfondie sur l’instauration d’un âge minimum de responsabilité pénale.

 

Que retenir de ces dispositions ? Une très grande difficulté à s’orienter parmi tous ces dispositifs aux acteurs multiples et sans doute la nécessité d’une réflexion sur l’autorité parentale pour qu’elle ne devienne pas comme l’a écrit Mme Rochfeld « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité » non plus « l’intérêt de l’enfant », mais « un intérêt général de sécurité ». Ce n’est en tout cas pas le but auquel veulent tendre tous les praticiens qui ont en charge des enfants.

N’oublions pas aussi qu’est inscrite dans le Code civil depuis 2002 la notion de respect dû à l’enfant.

 

 

 

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