Le
statut des repentis
par Véronique Jaworski,
Maître de conférences à l’Université Robert Schuman de Strasbourg
« Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir ».
Cette citation de la Bible montre que le terme « repentir » est une notion avant tout à connotation religieuse et morale.
Dans le
langage commun, le repentir est le regret d’une faute, un sentiment de douleur
morale accompagné d’un désir d’expiation, de réparation.
Le
repentir est donc, d’une part, une notion morale qui est le fait de reconnaître
que l’on a mal agi.
Et
d’autre part, dans la pratique religieuse, il est le fait d’avouer son péché et
d’en demander le pardon ; c’est une notion à rapprocher de la contrition,
de la peine éprouvée d’avoir péché et du désir de pénitence. C’est par
conséquent au système de la confession et du pardon (ou de l’absolution) que se
réfère le repentir.
Or l’on
sait que notre droit pénal a institué ce que l’on appelait, sous l’empire du
Code pénal de 1810, des « excuses absolutoires », faisant directement
référence au pardon, mais en l’occurrence à un pardon légal.
Deux questions se posent alors :
- Le repentir est-il également une notion juridique ? Autrement dit, le droit prend-il en compte cette notion d’ordre moral et religieux, la consacre-t-il ?
- Et si oui, deuxième question : de quelle manière la consacre-t-il, c’est-à-dire à quelles conditions et à quelles fins ?
Poser le problème du repentir en droit pénal, c’est se demander si le délinquant qui a spontanément réparé ou contribué à réparer les conséquences de l’infraction qu’il a commise peut bénéficier d’un traitement pénal favorable, qui pourrait se traduire soit par l’abandon des poursuites pénales, soit par une atténuation ou une exemption de pénalité.
Or le premier constat que l’on peut faire est le suivant : la position du droit pénal français n’est pas totalement innovante en la matière. Notre droit pénal prend effectivement en compte le repenti, et cela bien avant la loi du 9 mars 2004. De ce point de vue, la loi Perben II n’est donc pas révolutionnaire.
Ce dispositif existe déjà en France, depuis plus de 20 ans, pour certaines infractions, notamment pour le trafic de stupéfiants, les actes de terrorisme et l’association de malfaiteurs, mais n’a pas vraiment eu d’application en pratique faute de moyens.
Les « repentis », parfois qualifiés de « collaborateurs de justice », sont les personnes qui, ayant participé à des activités criminelles, acceptent de coopérer avec les autorités judiciaires ou policières et obtiennent différents avantages en échange de leur collaboration. Cette dernière peut prendre différentes formes, tout comme la contrepartie qui en résulte.
Quel
est alors l’apport de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice
aux évolutions de la criminalité en la matière ?
La loi Perben II, dans son article 12, remet en fait au goût du jour le statut du repenti en l’étendant à d’autres infractions, afin de permettre le démantèlement des grands réseaux de criminalité –qui est bien l’objectif affiché de la nouvelle législation- et de faciliter le travail d’investigation de la police.
Le « statut » du repenti est ainsi juridiquement reconnu. Les dispositions y afférant sont clarifiées et étendues.
Concrètement, la loi modifie le Code pénal pour définir les récompenses accordées aux repentis pour chacune des infractions auxquelles le dispositif est applicable. Ce dernier est comparable aux dispositions actuellement en vigueur en Europe continentale, où les mesures en faveur des repentis résultent de modifications successives apportées au code pénal, puis, le cas échéant, de textes spécifiques sur la protection.
Le dispositif du repenti est directement inspiré du système anglais du « témoin de la Couronne » et l’Italie est probablement le pays qui en fait un usage le plus étendu et le plus fréquent, avec toutes les dérives que la presse a pu souligner.
Au total, huit pays disposent ainsi d’un statut du repenti ou envisagent son introduction, à savoir l’Allemagne, l’Angleterre et le Pays de Galle, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et les Etats-Unis. Mais les systèmes diffèrent quant à leur champ d’application, les modalités de la collaboration avec les autorités et l’ampleur de la récompense accordée en contrepartie.
Si l’on s’en tient au système français du repenti, tel qu’il est aujourd’hui institué par la loi du 9 mars 2004, deux questions importantes permettent d’en tracer les contours et de mettre en lumière les problèmes qu’il ne manque pas de poser, ceci à différents points de vue.
Ce traitement pénal favorable qui est accordé aux repentis suppose une collaboration de la part de ceux qui vont en bénéficier. Cette collaboration doit remplir certaines conditions précisées par la loi, afin de produire des effets juridiques, c’est-à-dire concrètement de donner lieu à « récompense » en termes judiciaires.
Se pose donc, dans un premier temps, la question des formes de la collaboration qui permettra d’identifier les repentis juridiquement reconnus (I).
Puis dans un second temps, se pose la question de la contrepartie de cette collaboration, qui est la réponse juridique, la justification légale (mais pas forcément morale) de la reconnaissance du statut de repenti (II).
A la différence du dispositif anglo-saxon du témoin de l’accusation qui a un champ d’application illimité, le système français du repenti n’est applicable que dans certains cas. La loi énumère limitativement les infractions visées par le dispositif (A) et précise le type de collaboration justifiant sa mise en œuvre (B).
A- Les infractions visées par le dispositif
du repenti
Les dispositions de la loi relatives aux repentis ne sont applicables qu’à certaines infractions, limitativement énumérées et limitées aux cas de criminalité organisée. C’est donc la nature de l’infraction qui est, dans un premier temps, prise en compte.
Le législateur réserve l’utilisation de ce procédé à la lutte contre les formes les plus dangereuses de criminalité organisée, afin de faciliter le démantèlement de réseaux clandestins et de prévenir l’exécution d’actes graves.
Dès avant la loi Perben II, le mécanisme était utilisé dans le Code pénal pour la répression d’un nombre très limité d’infractions. Il concernait :
- le trafic de stupéfiants (art. 222-43),
- les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation : trahison, espionnage, complot (art. 412-2, 414-2 et –3),
- le terrorisme (art. 422-1 et –2),
- l’évasion (art. 434-37)
- le faux monnayage (art. 442-9 et –10),
- l’association de malfaiteurs (art. 450-2).
A ces cas déjà prévus, sont ajoutées par la loi Perben II les hypothèses :
- d’empoisonnement
- d’assassinat
- de tortures et actes de barbarie
- de séquestration et enlèvement
- de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport
- de traite des êtres humains
- de proxénétisme
- de vol en bande organisée
- d’extorsion en bande organisée
- de trafic d’armes.
La grande criminalité est ainsi définie par cette liste d’infractions, qui ne vise en toute logique que des crimes et délits, à l’exclusion des contraventions qui sont des infractions mineures.
A la nature de l’infraction, premier critère délimitant le système des repentis, s’ajoute un second critère : la teneur de la collaboration qui déterminera la récompense accordée par la justice aux repentis.
B- La nature de la collaboration justifiant la mise en œuvre du
dispositif des repentis
Contrairement au projet de loi néerlandais, qui prévoit simplement que les déclarations de l’intéressé doivent constituer une « contribution importante » au déroulement de la procédure, tous les autres textes, y compris la loi française, précisent que l’attribution de récompenses aux repentis est limitée à certaines formes de collaboration.
Le
nouvel article 132-8, inséré par la loi Perben II dans notre Code pénal,
vise deux cas de figure :
- l’alinéa 1er s’applique aux hypothèses de tentative de crime ou de délit énumérés par la loi.
Le délinquant doit avoir averti l’autorité administrative ou judiciaire d’une telle tentative et permettre d’éviter la réalisation de l’infraction et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices.
Si l’on s’en tient à la lettre du texte, il s’agit là de conditions a priori cumulatives, la dénonciation (appelée « délation » par certains) des éventuels coauteurs et complices venant s’ajouter à la prévention de l’infraction.
- L’alinéa 2 concerne les infractions prévues par la loi, en cas de commission de crime ou de délit. Là, on va plus loin dans l’iter criminis (le chemin du crime) puisque on se situe au stade de l’infraction consommée et non plus simplement tentée.
Le délinquant doit avoir averti l’autorité administrative ou judiciaire d’une telle infraction et permettre de faire cesser l’infraction (s’il s’agit d’une infraction continue), d’éviter un dommage (s’il s’agit d’une infraction formelle) ou d’identifier les autres auteurs ou complices.
Il s’agit là de conditions alternatives, la dénonciation des éventuels coauteurs et complices ne devant pas cette fois-ci se cumuler aux autres formes de la collaboration.
- L’alinéa 3 étend ces dispositions aux infractions connexes de même nature que le crime ou le délit pour lequel la personne était poursuivie, ce qui permet d’élargir encore le champ d’application du dispositif, qui pourtant est une procédure d’exception.
Mais de manière globale, la notion de « criminalité organisée » sur laquelle repose l’ensemble des dispositions de la loi est restée volontairement floue…, de même que l’expression d’infractions connexes de même nature qui ouvre la voie à des interprétations plus ou moins larges.
A la nature de l’infraction s’ajoutent donc le moment (antérieur ou postérieur à la consommation du crime ou délit visé) et le contenu des déclarations du repenti, autant d’éléments déterminants, non seulement pour l’octroi de la récompense, mais aussi pour la détermination de son ampleur.
Mais le système n’est pas sans risque, car se pose la question de la sincérité de la dénonciation ou de l’aveu, et du caractère de « repentance ». Sur ce point, la loi apporte une garantie aux personnes, coauteurs et complices des infractions visées, « victimes » de ce système. Elle prévoit qu’aucune condamnation ne pourra être prononcée sur le seul fondement des déclarations d’un « repenti ». Les informations fournies par les « repentis », qu’il s’agisse de coaccusés ou co-prévenus, ou de personnes poursuivies séparément dans le cadre de procédures connexes, doivent être évaluées concurremment avec les autres éléments de preuve qui en confirment la crédibilité.
En revanche, on constate que les modalités de collaboration avec les autorités ne sont pas définies. Comment se font et sont reçues les déclarations du repenti ? par oral, par écrit, par P-V… Quelle autorité est habilitée à les recevoir ? un magistrat : du parquet ou du siège, un OPJ… Autant de questions pratiques auxquelles la loi ne répond pas alors pourtant qu’elles ne manqueront pas de se poser de manière très concrète le jour où le dispositif sera mis en œuvre.
Le projet de loi néerlandais est le seul texte qui règle ce point : il prévoit que le repenti et le procureur concluent un accord écrit, précisant les engagements des deux parties. Le bien-fondé de cet accord devrait ensuite être contrôlé par le juge d’instruction, avant que la juridiction de jugement ne puisse, à la demande du procureur, octroyer la contrepartie de la collaboration, qu’il nous faut à présent préciser.
II- La contrepartie de la collaboration : les avantages
accordés aux repentis
La loi attache à la collaboration du délinquant avec la justice, à son attitude postérieure aux faits délictueux d’importantes conséquences sur le quantum de la peine applicable. Selon les cas, elle prévoit une diminution, voire une exemption pure et simple de la peine encourue. Il s’agit donc de causes légales de diminution ou d’exemption de peine, qui sont prévues, non en raison du moindre degré de responsabilité du coupable, mais afin de l’inciter à collaborer avec les autorités policières et judiciaires (A).
A l’application d’un traitement pénal favorable s’ajoutent
des mesures de protection réservées aux repentis particulièrement menacés (B).
A- Le traitement pénal favorable : la
diminution ou l’exemption des peines
Le Code pénal, modifié par la loi du 9 mars 2004, consacre désormais, dans sa partie générale (section 3 du chapitre II du titre III du Livre Ier), des dispositions aux causes légales d’adoucissement de la peine : « De la définition de certaines circonstances entraînant l’aggravation, la diminution ou l’exemption des peines ».
Le repenti, précédemment identifié (tel qu’il est juridiquement reconnu par la loi Perben II), peut bénéficier de deux mesures de faveur quant à sa situation pénale :
- soit d’une exemption de peine lorsqu’il a simplement tenté de commettre l’infraction avant de coopérer avec la justice
- soit d’une réduction de la durée de la peine privative de liberté lorsqu’il livre ses secrets après la commission de l’infraction
Le
bénéfice retiré par le repenti est donc proportionné à son degré de
participation personnelle en même temps qu’à la précocité et à l’efficacité de
son intervention. Selon le cas, il bénéficie d’une exemption de la peine
encourue (sa peine est supprimée sans que sa responsabilité ne disparaisse) ou
d’une diminution de moitié de la peine d’emprisonnement ou de réclusion
criminelle, avec une adaptation pour la peine de réclusion criminelle à
perpétuité, puisque dans ce cas, la réduction a pour effet d’y substituer une
peine de réclusion criminelle de 20 ans.
Ces causes légales de diminution ou d’exemption de la peine, qui étaient appelées « excuses atténuantes ou absolutoires » sous l’empire du Code pénal de 1810, présente deux traits spécifiques, qui les distinguent des procédés judiciaires d’adoucissement de la peine :
- en premier lieu, elles sont nécessairement définies de manière précise et limitative par la loi (tandis que les causes judiciaires sont laissées à l’appréciation même du juge). La loi Perben II n’introduit pas dans le Code pénal de cause générale de diminution ou d’exemption de peine.
-
en second lieu et surtout, elles s’imposent au juge, qui est donc dans l’obligation, dès lors qu’il relève
l’existence des circonstances définies par la loi, de diminuer la peine
encourue dans les proportions prévues par elle ou d’en exempter l’auteur des
faits.
A la différence du statut du repenti mis
en place dans certaines législations étrangères, en droit français, le système
du repenti est de la compétence
exclusive de la juridiction de jugement, car il suppose la responsabilité
pénale de la personne poursuivie qui a commis ou tenté de commettre l’une des
infractions limitativement énumérées par la loi.
Les causes d’exemption ou de diminution
de la peine qui en résultent n’ont aucune influence sur la poursuite pénale,
elles ne touchent pas à la culpabilité, ne font pas disparaître l’infraction et
ne se confondent pas avec une cause d’irresponsabilité. Le repenti reste pénalement responsable, les juridictions
compétentes constatant sa culpabilité, avec toutes les conséquences morales et
civiles en découlant. En cas d’exemption, le coupable n’est pas acquitté ou
relaxé, et supporte la responsabilité civile de ses agissements.
B-
Les mesures de protection accordées aux repentis
S’il
y a des repentis en France, il ne faudrait pas qu’on les retrouve un jour sous
des plaques de béton. C’est pourquoi la loi Perben II, à l’instar de la
plupart des pays, a mis en place un programme
spécial de protection, afin d’assurer la sécurité et la réinsertion des
« repentis » juridiquement reconnus par la loi (personnes mentionnées
à l’art. 132-78 CP).
Après l’article 706-63 du Code de
procédure pénale (CPP), il est inséré un titre XXI bis : « « Protection des personnes
bénéficiant d’exemptions ou de réductions de peines pour avoir permis d’éviter
la réalisation d’infractions, de faire cesser ou d’atténuer le dommage causé
par une infraction, ou d’identifier les auteurs ou complices
d’infractions ».
Toutefois, le statut de
« repenti » et l’octroi d’un traitement pénal favorable qui en
découle n’entraînent pas automatiquement le bénéfice de ces mesures de
protection. En effet, l’article 706-63-1 du CPP précise que les personnes
concernées ne font l’objet d’une telle protection qu’« en tant que de besoin ». Ce qui revient à dire que les
mesures de protection ne seront réservées qu’aux repentis particulièrement
menacés, la situation de « besoin » visés par le texte, notion
factuelle contingente, restant à préciser… Ces mesures sont également
applicables aux membres de la famille et aux proches des
« repentis ».
Les mesures de protection et de
réinsertion sont décidées, sur réquisitions du procureur de la République, par
une commission nationale (ad hoc),
dont la composition et les modalités de fonctionnement restent à définir par
décret en Conseil d’Etat.
Cette commission fixe les
obligations que doit respecter la personne et assure le suivi des mesures de
protection et de réinsertion, qu’elle peut modifier ou auxquelles elle peut
mettre fin à tout moment. Qu’elles soient initialement prises pour une durée
déterminée ou non, les mesures de protection sont maintenues aussi longtemps
qu’elles sont justifiées.
Il est enfin préciser qu’en cas
d’urgence, les services compétents (mais on ne sait pas lesquels, la loi ne les
identifiant pas !) prennent les mesures nécessaires et en informent sans
délai la commission nationale.
Le moins que l’on puisse dire est
que la loi reste très vague quant à ces mesures de protection offertes aux
repentis. Elle ne dit mot sur leur contenu pratique.
On peut avancer qu’elles différeront
selon que le repenti est incarcéré ou non. Dans le premier cas, il pourra
purger sa peine dans une unité spéciale et parfois bénéficier d’un aménagement
de son régime pénitentiaire (permissions, assignation à résidence…).
Dans
le second cas, plusieurs niveaux de protection peuvent être prévus selon le
danger couru : simple protection policière, déménagement, versement de
prestations pour compenser l’impossibilité de travailler…
La
loi envisage expressément, dans les cas les plus graves, la possibilité de
faire usage d’une identité d’emprunt. Cette mesure exceptionnelle doit être
autorisée par ordonnance motivée rendue par le président du Tribunal de grande
instance.
Le fait de révéler l’identité
d’emprunt de ces personnes est en érigé en délit puni de 5 ans d’emprisonnement
et de 75 000 euros d’amende. Le législateur prévoit deux causes
d’aggravation :
·
d’une part,
lorsque cette révélation a causé, directement ou indirectement, des violences à
l’encontre de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants
directs, les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000
euros d’amende ;
·
d’autre part,
lorsque cette révélation a causé, directement ou indirectement la mort de ces
personnes, les peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000
euros d’amende.
L’efficacité du programme de
protection des repentis dépend évidemment des moyens consentis à sa mise en
œuvre. A titre d’exemple, l’Italie qui en fait un large usage a dépensé 83
millions d’euros avec ses repentis. Or le problème de moyens est un problème
récurent en France. Il se posait déjà lorsque le système des repentis avait été
institué pour le trafic de stupéfiants et n’a jamais fonctionné pour cette
raison. On retrouve là une démarche typiquement française, qui consiste à
étendre une réforme sans se demander pourquoi la précédente n’a pas marché.
Conclusion :
La diminution ou l’exemption de peine, conséquences directes du statut de repenti, est toujours attachée à la dénonciation de certaines infractions graves, limitativement énumérées par la loi. Elle apparaît comme une sorte de récompense accordée par la loi au coupable qui accepte de collaborer avec les autorités judiciaires et qui rend donc à la société le service de renseigner la justice. En considération du service rendu, le législateur a estimé que pour certaines infractions qui seraient autrement assez difficiles à détecter, le dénonciateur bénéficierait de cette faveur particulière.
Ce marchandage légal passé entre les autorités et ceux que l’on appelle couramment les « repentis » a fait l’objet de vives critiques. Certains y ont vu une incitation immorale à la délation. Le terme de délation est sans doute excessif en ce qu’il suppose une dénonciation inspirée par des motifs méprisables, ce qui n’est pas le cas du « repenti » qui souhaite véritablement aider la justice.
D’autres, au contraire, y ont vu le moyen pour les coupables d’infractions graves de se ménager à peu de frais une impunité.
Aussi le législateur doit-il réserver l’utilisation de ce procédé de manière très stricte, tant dans son champ d’application que dans ses effets. Le système doit rester une procédure d’exception (mais il n’est pas certain que la loi Perben II aille dans ce sens), inspirée par des motifs légitimes, de politique criminelle et d’utilité sociale. Ainsi le salaire de la dénonciation pourra se justifier par des motifs d’ordre pratique : l’intérêt de la société et de l’ordre public. La loi veut inciter à la dénonciation dans un but d’intérêt général, et non pas en considération de la responsabilité du repenti qui demeure entière. Aussi exige-t-elle que la dénonciation ait permis à l’autorité judiciaire d’avoir connaissance d’une infraction, ou bien d’identifier les auteurs ou complices et permettre leur arrestation.
Si d’un point de vue strictement juridique, ce système n’est pas contestable parce que fondé sur des considérations d’intérêt général, il est néanmoins légitime de s’interroger sur la moralité de cette prime à l’impunité, notamment lorsqu’elle résulte de la dénonciation pure et simple de ses coauteurs ou complices. La volonté de parler a alors souvent peu à voir avec le besoin de se repentir comme on l’entend dans la pratique religieuse…
C’est également la question du caractère impératif de la loi, de sa force de dissuasion qui est posée. Aussi, la nature de certaines infractions, difficiles à découvrir, peut justifier la mise en œuvre d’un système de repenti, à la condition toutefois que l’ordre public soit essentiellement en cause et que le respect dû à la loi n’en sorte pas totalement affaibli.
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